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Domaine français La parole donnée

décembre 1994 | Le Matricule des Anges n°10 | par Alex Besnainou

Dans un ailleurs tropical, Le Nom des singes d’Antoine Volodine suit les circonvolutions complexes de l’esprit, hors réalité, en créant un langage.

Sans relâche, il me faut réaffirmer que mes livres appartiennent à une littérature de l’imaginaire (…) ». Avec Le Nom des singes, Antoine Volodine nous fait entrer dans un imaginaire proche du rêve. Non pas rêve dans le sens du merveilleux mais au contraire d’un état tendu, tendance cauchemardesque. Un rêve à la moiteur tropicale, suintant d’une sueur malsaine, propre à une sorte de fièvre onirique. Il faut laisser au vestiaire les points de repères habituels de la réalité, la vraisemblance, la logique. L’inconscient n’a pas besoin de cela pour s’exprimer. Pour être audible, l’inconscient a seulement besoin de mots et Volodine d’une plume plus que luxuriante colle au plus près des images et des situations étranges issues de ce magma.
Le décor : Puesto Libertad, quelque part dans la forêt tropicale, lieu de toutes les révolutions, échouées ou en cours. Les rues, les places, les quais portent tous le nom d’une date (rue 19 de Febrero, place des Martyrs du 12 Avril, quai des Fusillés du 31 Août, etc.), trace apparente et tellement multipliée que la célébration en devient dérisoire, que ce jour-là, comme tant d’autres, un sursaut révolutionnaire a eu lieu.
Les personnages : trois hommes principalement autour desquels tout s’agglutine. Fabian Golpiez, suspecté par une sorte de police politique, vrai-faux schizophrène, la folie étant un moyen d’échapper à la torture. Goncalvez, son psychiatre-chaman, également sujet à des interrogatoires musclés de temps à autres car, qui n’est pas suspect dans ces révolutions à répétition ? Et Gutierrez, appelé le démobilisé, sorte de mouchard à la solde de n’importe qui et idéaliste dans l’âme comme les deux autres bien que tous trois ne croient strictement à rien. Quelques femmes sont au second plan dont le rôle mystérieux varie suivant le temps et les souvenirs de chacun. Rien n’arrête le non-destin des protagonistes, surtout pas la mort qui n’est qu’une péripétie sans conséquence aucune. Mais tout cela n’est que les symptômes d’une fausse narration, partie immergée d’un iceberg flou, signifiants d’un discours à multiples interprétations. Lors des séances entre le psychiatre et Golpiez, rien n’est jamais dit et tout est nommé, de plus en plus précisément : le nom des plantes, des insectes, des singes. Soyez plus précis, hurle sans arrêt le psychiatre et Golpiez de l’être, le mieux qu’il peut, tirant son vocabulaire d’un curieux dictionnaire de langue internationaliste rédigé par un dentiste disparu, ancien propriétaire des locaux du chaman. « Tout le matin, je réfléchis à des problèmes de lexicographie.(…) On a en soi des raisons essentielles de dégoût et on les fait taire sous une couche de détails affreusement secondaires. » Dans la Génèse, c’est Dieu qui crée les animaux et les plantes mais c’est l’homme qui les nomme comme si leur existence définitive ne tenait qu’à quelques lettres accolées les désignant. C’est peut-être cela que cherchent nos non-héros : acquérir une identité, être enfin nommés. Le nom n’est-il qu’une apparence ou le propre de l’homme ? Volodine ne répond pas. Il enfile ses images comme Goncalvez ses diapositives, support à des associations à but thérapeutique. Volodine n’est pas formaliste, il ne joue pas avec les mots et les structures, il se sert de la littérature pour défoncer les barrières naturelles et conventionnelles, pour créer un monde issu du plus profond de l’homme. Il sert également la littérature de façon élégante, plaçant son écriture d’emblée dans les hautes sphères. Livre hors des sentiers battus, Le Nom des singes rassure sur le pouvoir des mots : une passerelle entre l’homme et le réel.

Le Nom des singes
Antoine Volodine

Editions de Minuit
239 pages, 95 FF

La parole donnée Par Alex Besnainou
Le Matricule des Anges n°10 , décembre 1994.