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Domaine français Le retour du refoulé

décembre 1994 | Le Matricule des Anges n°10 | par Alex Besnainou

Construit en patchwork comme Fuck, le précédent roman de Laurent Chalumeau, Anne Franck 2 : le retour ! prend en horreur une certaine France.

Anne Franck 2 : le retour !

C’est simple : qu’est-ce qui, chez René Bousquet, était le plus typiquement français ? Avoir déporté sans ciller 4051 petits « israélites », ou savoir distinguer un brane-cantenac d’un lande-pomerol les yeux fermés ? » La question est provocatrice, de mauvaise foi, orientée, sans pitié, n’empêche : elle est posée. Elle fixe un cap au livre de Laurent Chalumeau Anne Franck 2 : le retour ! qui ne se départira pas tout du long de cette direction suspicieuse : les Français sont-ils des salauds ? On peut faire la fine bouche devant une telle question dénuée de toute nuance, dire allons, il y a erreur, l’exception ne fait pas la règle, il est dans chaque troupeau des brebis galeuses, cela ne change en rien la qualité du cheptel. René Bousquet était un être abject (il fut assassiné le 8 juin 93), qui de son propre chef, pour faire du zèle, déporta des milliers de juifs sans bavure, sans remords, avec juste ordre et organisation. Un vrai chef. Mais bon, il fut seulement comme quelques autres de l’époque : le côté glauque d’une nation hésitante. Et puis, il y eut la Libération et le bon grain fut trié de l’ivraie. C’est ce que l’on peut croire.
C’est ce que croyait Gontran Leblaireau, le personnage pivot de ce livre. Presque naïvement, on pourrait dire, bien que Gontran Leblaireau soit tout sauf un naïf. C’est un personnage solidement ancré dans la mentalité post-80 : l’argent par tous les moyens dits modernes (il exploite des messageries roses, « 3615 Avale » entre autres), cynisme de bon aloi, tentative d’incursion dans la bourgeoisie, volonté même d’en prendre la relève. Après tout, lui et ses pairs ne sont-ils pas l’avenir ?
Construit à la fois comme une politique fiction, un pamphlet, un essai sociologique, fait de collages d’articles de journaux, d’extraits de romans de série Z, de scènes juxtaposées de la vie de Gontran Leblaireau, ce livre est écrit avec une rage qui fait tenir bien droit un édifice instable. Une rage que l’on pourrait qualifier de saine bien qu’on puisse être surpris. Comment un personnage pareil peut-il brutalement être choqué par un article du Monde daté du 26 septembre 90 d’où il ressort que, bien que l’on se doute des agissements passés de Bousquet, on n’est pas très pressé de le juger ? Pourquoi un être comme Leblaireau fait-il une fixation quasiment pathologique sur cet événement ? C’est qu’il faut croire que tout n’est pas tout à fait perdu et que cette race de jeunes gens aux dents longues, multimédia (on peut mettre tellement de noms sur Leblaireau, à commencer par Laurent Chalumeau lui-même) a quelque part le sens des vraies valeurs et que peut-être par leur pouvoir nouvellement conquis, ils vont aérer un peu les pestilences des horribles hypocrisies. On prend acte de cette volonté respectable. On lui tire même son chapeau.
Le style est percutant, ne dédaignant aucun écart de langage pour souligner la violence de l’indignation. Chalumeau manie avec maestria ce que l’on peut appeler le « zapping » littéraire, enchaînant les séquences avec fluidité, déversant sans mollesse une logorrhée due à la passion. Ce livre dérange, sans aucun doute. Il n’est pas fait de certitudes mais de réactions épidermiques, primaires, d’un sentiment de justice enfantin, faisant fi de la raison, du pour et du contre, de la réflexion même. C’est peut-être pour ça qu’on s’y attache. Et il n’est pas inutile de défoncer des portes ouvertes qu’un vent mauvais a refermées.

Anne Franck 2 : le retour !
Laurent Chalumeau

Grasset
247 pages, 110 FF

Le retour du refoulé Par Alex Besnainou
Le Matricule des Anges n°10 , décembre 1994.