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Domaine étranger voyage en Grineland

mars 1995 | Le Matricule des Anges n°11 | par Eric Naulleau

Sixième livre traduit en français d’Alexandre Grine, dont ilserait temps de reconnaître la place parmi les géants russes de ce siècle.

Si l’œuvre d’Alexandre Grine (1880-1932) demeure aujourd’hui encore malaisément rattachable à un genre précis dans son pays d’origine, les aspects qu’en découvrent peu à peu les lecteurs français - à la faveur du courageux travail de redécouverte entrepris par L’Age d’Homme - révèlent un spectre littéraire susceptible de restituer les plus subtiles nuances de l’onirisme.
Les nouvelles de Chercheur d’aventure (1992) évoquent ainsi souvent les proses maladives d’Edgar Poe, rêves d’encre poisseux dont le lecteur ne parvient pas à se désengluer, tel un insomniaque empêtré dans ses draps moites. L’Automobile grise (écrit en 1923), notamment, s’avère la transposition du procédé que Robert Wiene avait appliqué quatre années auparavant au cinéma avec le Cabinet du Docteur Caligari, où les dehors grotesques du monde extérieur ne sont que la diffraction de celui-ci dans l’esprit dérangé du personnage principal. Les Aventures de Ginch (1994) s’attachent, pour leur part, aux escapades d’un double nocturne - et presque homonyme - de Grine dans l’envers clandestin de Pétersbourg, alors que L’Attrapeur de rats (1972) et L’Ecuyère des vagues (1986) s’attirèrent un temps les foudres des censeurs soviétiques dans la mesure où ces fictions se présentent aussi comme des interprétations cauchemardesques de l’utopie totalitaire.
Il se pourrait cependant que le plus beau livre de cet autodidacte aux cent et une professions soit Le Monde étincelant (1993) où se trouvent relatées les pérégrinations d’un individu capable de voler en compagnie des oiseaux, et même un peu plus haut, roman en rupture de toutes les pesanteurs et qui, tous filins au vent, n’a pas fini de glisser dans les cieux de notre imaginaire.
Dans cette perspective, La Chaîne d’or paraît jouer d’un onirisme apaisé. Arraché à sa morne existence d’apprenti-matelot, Sandy Puel accède de plain-pied dans le domaine de la fantaisie en acceptant de mener deux inconnus vers certaine île dominée par le palais d’un mystérieux millionnaire.
Noyés dans un clair-obscur permanent - le nouveau venu ne sait rien des habitants et des rites de cet univers parallèle, et ne comprend pas plus les complots qui s’y trament pour la possession d’un trésor inappréciable - les épisodes se lient les uns aux autres par des fondus-enchaînés aux subtils dégradés, séquences d’un songe parfois haletant mais jamais véritablement oppressant car empreint d’ « un sublime sentiment de demi-terreur (dont) nous donnerons à la deuxième moitié le nom de jubilation ».
Les divers rebondissements semblent répondre aux vœux secrets du narrateur selon un principe qu’il énonce lui-même : « Je n’avais fait que deviner ce que j’espérais », aussi bien qu’à ceux du lecteur, ce dont Alexandre Grine joue avec une franche ironie lorsqu’il qualifie la fabuleuse demeure de « maison de cinéma bâtie pour la conspiration ». Récit initiatique où les émois sexuels de l’adolescence sont transposés en scènes hautement symboliques, depuis les réclusions dans une armoire ou dans la « longue faille » d’un couloir souterrain jusqu’au travestissement en femme du jeune protagoniste. Ce dernier vivra et éprouvera par procuration les amours embrouillées du richissime neurasthénique avant de parvenir à maturité, non sans que le roman ne multiplie au passage les fausses sorties, à la manière d’un dormeur qui ne veut décidément pas se réveiller et interrompre un si beau rêve.

« Grineland » est le nom donné par les critiques russes à la péninsule imaginaire où se situent les récits d’Alexandre Grine.

La Chaîne d’or
Alexandre Grine

traduit du russe par Paul Lequesne
L’Age d’Homme
160 pages, prix n. c.

voyage en Grineland Par Eric Naulleau
Le Matricule des Anges n°11 , mars 1995.
LMDA papier n°11
6,50