Patrick Renou, auteur d’un premier récit, déploie dans Tu m’entends une prose précise, nette et répétitive, l’histoire crue de l’échec d’une vie. Ces pages décrivent les effondrements et les heurts auxquels un gamin de dix ans, témoin de la mort de son père, n’échappera pas, allant jusqu’à les porter comme son dû de douleur, cloisonnant sa vie autour d’un centre innommable, immobile et mémorial, puisque enfoui dans l’instant d’une mort. Ainsi, de la peur du sang, de celle de mourir, aux calmants, ce bref récit entend mettre à plat les coups sourds qui frappent le narrateur depuis l’enfance. Toutefois, ce projet d’exorcisme se sait presque vain. Une telle phrase, qui pourrait être de Blanchot, lance un boulet à la figure : « Au fil des ans, je me suis aperçu que j’adressais ma douleur à un destinataire qui n’existe plus ». Un livre qu’on ne lâche pas tant l’épreuve qu’il décrit est celle que tout travail de deuil implique.
Deyrolle éditeur
99 pages, 95 FF
Domaine français Tu m’entends
mars 1995 | Le Matricule des Anges n°11
| par
Emmanuel Laugier
Un livre
Tu m’entends
Par
Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°11
, mars 1995.