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Domaine étranger Les pieds dans le tapis

mars 1995 | Le Matricule des Anges n°11 | par Eric Naulleau

« Un pont sur la Zeta » aurait pu être le sous-titre de ce récit qui a pour cadre le Monténégro. Hélas, l’auteur n’a pu échapper aux vieux travers balkaniques.

Le Tapis vert du Monténégro

Par convention ou par ignorance, le Monténégro a disparu du vocabulaire relatif aux conflits balkaniques contemporains, alors même que cette république, associée à la Serbie, constitue la « troisième Yougoslavie », peau de chagrin de l’ancien « Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes ». Le présent livre a donc pour premier mérite d’effacer une tache devenue tout à fait blanche sur les cartes d’Europe, en s’attachant à la lutte que mena la petite principauté adriatique contre l’occupant ottoman en 1876.
Toutefois, l’avertissement -anonyme- qui ouvre le récit aux fins d’en mieux situer le contexte historique s’avère une interprétation assez orientée, pour ne pas écrire partisane, de ce que les historiens désignent par « la troisième crise d’Orient ». Si l’on ajoute que le fondateur de l’Age d’Homme se distingue depuis plusieurs années par des positions pro-serbes extrémistes, l’horizon de lecture s’en trouve passablement embrumé. Au fil des pages, une heureuse surprise succède à ces inquiétudes. Le Tapis vert du Monténégro se déroule au gré d’une trame croisée : des extraits d’un scénario cinématographique sur la défaite des troupes d’Osman Pacha face aux armées monténégrines du Prince Nicolas et les retrouvailles inopinées du vainqueur et du vaincu, tous deux anciens élèves de Saint-Cyr, alternent avec l’évocation de l’extravagante figure du caricaturiste Zuko Dzumhur (mort en 1989), sorte de Danilo Kis mâtiné de Vladimir Boudnik.
L’habileté des transitions entre les deux récits et les deux époques confine à l’enchantement, si bien que Osman Pacha et Zuko Dzumhur apparaissent bientôt comme deux incarnations d’une même personnalité - synthèse baroque d’anticonformisme et de fatalisme oriental - errant au fil du Temps. Lorsque son ami Zuko Dzumhur parlait, le narrateur éprouvait ainsi le sentiment que « le passé se tenait constamment tapi sur son épaule, tels ces perroquets multicolores sur les épaules des capitaines au long cours », tandis que l’attitude d’Osman Pacha au terme de la bataille perdue préfigure, selon lui, celle de… Plume, l’anti-héros de Michaux, lorsque lui est signifiée sa condamnation à mort.
On l’a dit, le décalage horaire du Sud-Est de l’Europe dégénère volontiers en décalage séculaire. Momo Kapor dépeint avec sensibilité un Monténégro comme figé à jamais entre XIXe et XXe siècle, même si la modeste auberge où sont logés tous les protagonistes de l’intrigue est aujourd’hui devenue un hôtel cinq étoiles, et que l’on ne pêche vraissemblablement plus les truites à la dynamite dans la rivière Zeta.
La fête se trouve malheureusement gâchée in extremis par quelques lignes aussi navrantes qu’incongrues…
« Cette année-là, en 1991, les Croates, soutenus par l’Allemagne, l’Autriche et la Hongrie, ayant décidé de liquider les populations orthodoxes, venaient d’attaquer les Serbes de Krajina. Les Herzégoviniens, exactement comme jadis, avaient bondi pour les défendre, et les Monténégrins en firent de même » où les contre-vérités historiques flagrantes le disputent à la plus ténébreuse paranoïa.
Faute de savoir exactement à quoi rattacher pareils procédés - s’agit-il pour l’auteur de faire allégeance, par conviction ou par opportunisme, aux ultra-nationalistes de son pays d’origine ? serait-ce l’avènement d’une tentation pamphlétaire, voire révisionniste, à laquelle succomberait nécessairement l’imaginaire balkanique ? - disons simplement qu’ils ressortissent à une littérature de mauvais genre.

Le Tapis vert du Monténégro
Momo Kapor
(avec la complicité de Zuko Dzumhur)
traduit du Serbe par Ruza Jelic
L’Age d’Homme
160 pages,

Les pieds dans le tapis Par Eric Naulleau
Le Matricule des Anges n°11 , mars 1995.
LMDA papier n°11
6,50