Savez-vous quand Francis Scott Fitzgerald but pour la première fois un whisky ? C’était en mars 1913, le jeune homme n’avait pas encore 17 ans mais possédait une riche arrogance. Le détail paraît futile, il montre du moins avec quelle exigence de précisions, Matthew J. Bruccoli s’est attelé à sa tâche de biographe. On suit donc l’auteur de Gatsby le magnifique depuis sa naissance le 24 septembre 1896 (« 481, Laurel Avenue, Saint Paul ») jusqu’à sa mort le 21 décembre 1940 « d’une occlusion de l’artère coronaire ».
Malgré la multitude de faits rapportés, malgré l’index des noms cités, la liste des ouvrages de et sur Fitzgerald, le biographe a su éviter toute lourdeur. Saucissonné en courts chapitres chronologiques, le livre se dévore en effet sans qu’on y prenne garde peignant l’atmosphère des lieux et des époques traversés.
Adolescent, Francis Scott est insupportable et « s’imposa d’emblée comme l’élève le plus désagréable de l’école ». Avide de gloire et de reconnaissance, rêvant d’exploits sportifs et de bravoure, il apprend vite que la réalité n’est pas au service de ses rêves. Même si sa façon d’aborder les filles « « Tombez, je vous en prie, amoureuse de moi » », associée à un physique avenant pouvait lui donner l’illusion que l’horizon appartiendrait à celui qui saurait ouvrir assez grands les bras. Les années d’adolescence sont primordiales pour Fitzgerald ce dont la lecture de son œuvre témoigne. L’échec universitaire marquera à jamais son existence, une course effrénée, passée à brûler un argent qu’il ne gagnera plus, s’enivrant à Paris ou sur la Côte d’Azur, s’entredéchirant théâtralement avec Zelda sa femme, son double féminin.
Le Fitzgerald de Matthew J. Bruccoli ressemble sensiblement à celui que nous imaginions. Une sorte de romantique venu trop tard au monde, un enfant d’Amérique pris dans le piège des miroirs aux alouettes, un écrivain prodigieux qui fit de ses faiblesses et de ses failles des mines d’or.
Matthew J. Bruccoli n’interprète pratiquement pas. Il donne des faits, éclaire les détails occurrents et restitue la voix de Fitzgerald, dans les lettres à sa fille, d’une lucidité douloureuse, dans la correspondance avec ses éditeurs, vantant Hemingway. Il nous offre l’image d’un magnifique papillon qui s’est brûlé les ailes d’avoir voulu jouer aux aigles.
F. Scott Fitzgerald, biographie
Matthew J. Bruccoli
Ed. française : Henri Marcel
La Table Ronde
578 pages, 159 FF
Domaine étranger L’homme aux ailés brûlées
mars 1995 | Le Matricule des Anges n°11
| par
Thierry Guichard
Un livre
L’homme aux ailés brûlées
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°11
, mars 1995.