Comment justifier que Philip K. Dick soit aujourd’hui en France l’auteur de science fiction le plus traduit et le plus commenté ? Le succès du Blade Runner de Ridley Scott (adaptation cinématographique de son roman Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?) y est sans doute pour quelque chose. Mais c’est l’œuvre de Dick elle-même qui assure sa propre promotion, une œuvre aux dimensions d’une galaxie : pas moins de cent trente nouvelles et plus d’une quarantaine de romans, dans lesquels s’origine la science-fiction moderne.
Philip K[indred] Dick naît à Chicago en 1928, commencement d’une vie aussitôt prodigue en déchirures : quelques jours après sa naissance sa sœur jumelle meurt, et à l’âge de quatre ans le divorce de ses parents le contraint à s’exiler en Californie avec sa mère… Après une fugitive apparition à l’université en philosophie, Dick devient programmateur d’une station de radio, profession qu’il abandonne lors de son premier mariage pour se consacrer à l’écriture. Il donne bientôt aux revues de l’époque un nombre impressionnant de fictions brèves, puis un premier roman (Loterie nationale, en 1955), avant les premiers chefs-d’œuvre des années 1960 : Le Dieu venu du Centaure (1964) et Ubik (1969). Dépressif, hospitalisé pour abus d’amphétamines, Dick traverse ensuite de longues années de silence, avant de s’éteindre en 1982 sans avoir véritablement retrouvé l’inspiration d’autrefois1.
Ce recueil poursuit la publication intégrale des nouvelles de Philip K. Dick2 ; il présente, en suivant au plus près leur ordre chronologique de composition, trente-sept textes rédigés entre novembre 1952 et décembre 1953, une « période clé dans la trajectoire littéraire de Dick » selon Jacques Chambon (directeur de la collection Présences chez Denoël). Une période surtout exceptionnellement féconde au cours de laquelle Dick s’engageait vraiment dans ce qui devait être sa voie : la science-fiction.
Dans ces nouvelles le lecteur découvrira tout d’abord quelques-unes des figures les plus traditionnelles de la science-fiction : des robots qui asservissent l’espèce humaine, des mutants assoifés de pouvoir et considérés comme des pestiférés, des martiens inoffensifs et simplement curieux, des androïdes qui s’ignorent et surprennent leur monde, et la quatrième dimension décidément prompte à faire vaciller les plus que jamais fragiles limites du réel. On reprocherait presque à Dick de pécher par excès de conformisme, si ne s’insinuaient çà et là quelques éléments fantastiques. « Il se passe des choses » en effet dans ces mondes qui soudain se superposent : il suffit de changer de trottoir pour que le soleil disparaisse, qu’un chien parle et maugrée, qu’un morceau d’immeuble se détache et se déverse en pluie, que les êtres humains se muent en statues de poussière ; et le soleil de tranquillement réapparaître sur le trottoir d’en face, comme si de rien n’était… Dans un de ses avertissements qui accompagnent certaines nouvelles (le...
Événement & Grand Fonds Les galaxies de Philip K. Dick
février 1996 | Le Matricule des Anges n°15
| par
Didier Garcia
Trente-sept nouvelles pour déchirer le tissu du réel et rappeler que la création de mondes reste bien la forme d’art ultime. Philip K. Dick dans les décombres de la vie. Parution d’un volume d’importance.
Un livre