Quoi qu’elle en dise, un roman de Marie Ndiaye a toujours un peu quelque chose d’une rédaction de bon élève, de très bon élève. Clarté dans la narration. Syntaxe impeccable. C’est net et précis. Pas d’emballements lyriques. Pas de littérature, oserait-on dire (c’est ici un compliment). La Sorcière, son sixième livre, est un exemple de cette redoutable efficacité. Dans le triste pavillon de banlieue où elle vit avec son aussi triste mari et ses deux filles, Lucie entreprend de transmettre son modeste talent de sorcière à ces dernières. Mais, en cela semblable aux protagonistes des précédents romans, cette terne sorcière va ensuite se donner un but qui mobilisera toute son énergie. De la réconciliation de ses parents désunis, il semble en effet dépendre son bonheur. Et son malheur.
Roman du déliement familial, La Sorcière ne bascule parfois dans le surnaturel, avec légèreté, avec naturel faudrait-il dire, que pour mieux décrire une certaine irréalité de ce monde où nous vivons. L’exagération légèrement parodique, l’irruption soudaine du fantastique et son aussi soudaine disparition ne nous disent finalement qu’une seule chose : notre vie n’aura été qu’un rêve assez étrange, ordinaire dans son étrangeté même. La meilleure preuve en est cette facilité avec laquelle, dans ce livre comme dans nos existences éphémères, nous nous métamorphosons en oiseau ou en escargot, selon que nous ayions été légers ou lourds.
X. P.
Domaine français Comme des oiseaux
septembre 1996 | Le Matricule des Anges n°17
| par
Xavier Person
Un livre
Comme des oiseaux
Par
Xavier Person
Le Matricule des Anges n°17
, septembre 1996.