La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Poésie Cris et chuchotements

mars 1997 | Le Matricule des Anges n°19 | par Dominique Aussenac

Chanteuse de Rock, Patti Smith a toujours fait figure de poétesse amoureuse des lettres françaises en général de Rimbaud en particulier.

Patti Smith, héritière des expériences d’Arthur Rimbaud, des surréalistes ou de William Burroughs, créa au sein du rock’nroll, une alchimie de sons, de verbe et de sens. En quatre albums de Horses (1975) à Wave(1979), elle entra dans le fameux mythe électrique, fit figure de prêtresse de l’urgence et des mots. Née en 1947 à Woodbury entre Philadelphie et Atlantic City, elle débarque à New York en 1967, vit un temps avec le photographe Robert Mappelthorpe. Elle écrit des poèmes qu’elle lit en public accompagnée de Lenny Kaye qui deviendra la pièce maîtresse du Patti Smith Group fondé en 1974. À partir de 1980, se « sentant devenir cynique », elle s’isole, se consacre à son mariage, ses bébés, l’écriture. En 1989, Mappelthorpe meurt du sida. La résurrection de Patti Smith passe par un album somptueux Gone Again, une tournée en France et la publication de deux recueils de poèmes en prose, Babel, écrit de 74 à 81 et La Mer de Corail, hommage à son ami photographe.
Babel offre une ode destroy au dérèglement des sens, carambolages d’expériences sous l’égide d’un Arthur Rimbaud, ange précurseur, dope fondamentale. Dérèglements permettant par l’intermédiaire d’une sorte de transe chamanique, de repousser les limites, d’atteindre la beauté convulsive, chère à Breton. Patti Smith assure par ses références culturelles la jonction de l’Europe et ses États-Unis.
Le corps dans Babel est soumis à toutes les expériences, à toutes les pénétrations (seringues, sexes, armes blanches….) « j’avais besoin d’un rasoir pour trancher dans l’atmosphère. » Notre androgyne met en boucle les images d’un film comprenant une galerie de personnages féminins (amantes, artistes, amies) et les œuvres de Bresson, Franju, Godard, Pollock… La fin du recueil offre les images d’un film plus apaisé, une chute contrôlée et son analyse-bilan : « j’ai voulu traverser la lumière en marchant/ les cheveux emmêlés pas encore préparée à la vallée des combats. ». Patti Smith alterne écriture automatique où éclate une myriade d’images oniriques crues et poèmes en prose, fabulettes, comptines rock. Au fil des textes, les cris laissent place à une formulation plus mûre, plus souple qui pose la question des mystères de l’art, de la création.
La Mer de Corail est un tombeau de papier construit à la mémoire de Mappelthorpe, l’un des plus grands photographes contemporains, dont l’œuvre hantée par l’inanimé, le corps, les représentations sadomasochistes, fit scandale. Patti Smith mêle ses poèmes aux photos de son ami. Images et mots dialoguent, s’enlacent. Treize textes pour treize photos ; statues presque vivantes, corps nus d’hommes lascifs entre la palpitation de la vie et l’emprisonnement marmoréen, détails de natures mortes, fleurs s’invaginant à la manière des univers dans lesquels Patti Smith met en scène le Passager M « être donné à la mer » qui glisse, ballotté de lit d’amour en lit d’hôpital, de lit d’hôpital en mer de Corail, mer qui lignifie… Le corps du Passager s’écorche à de petits riens vénéneux : pétales de roses métalliques, épines marines, souvenirs. Son âme est en quête d’ailes. Ailes de papillon de nuit herculéen. Quant à la force de vie permettant l’envol, le Passager M, jamais assez nu, assez pur, peine à l’attirer. Liane calcifiante, l’écriture de Patti Smith s’enroule, pudique, ardente, feutrée, maniérée, à la limite de la préciosité, de l’accident kitsch. Elle exprime dignement la maladie, la déchéance, atténue le lamento, referme le tombeau. « Il tendit la main dans la nuit, attachant une aile, une antenne et une autre aile en guise d’offrande, murmurant : « Mon aîmé, mon mythe précieux, mon dieu… » » De l’agitation frénétique à l’apaisement, ces deux recueils résument un cheminement poétique singulier où le corps, lieu trop étroit, lieu du martyre, libère enfin l’âme vers des contrées paisibles.

Patti Smith
Babel

Christian Bourgois
Traduit de l’américain
par Pierre Alien
213 pages, 95 FF
La Mer de Corail
Tristram
Traduit de l’américain
par Jean-Paul Mourlon
69 pages, 130 FF

Cris et chuchotements Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°19 , mars 1997.
LMDA PDF n°19
4,00