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Égarés, oubliés Claude Aveline : un marxiste très courtois

mars 1997 | Le Matricule des Anges n°19 | par Alfred Eibel

De Claude Aveline on a retenu qu’il était un éditeur soigneux, un auteur original et un critique marxiste. C’est oublier qu’il a créé un genre nouveau avec ces chroniques cinématographiques. En amateur éclairé.

Frédéric Belot, suite policière : la double mort de Frédéric Belot

Claude Aveline, un nom qui sonne doux à l’oreille, s’appelait en réalité Avgen Avtsine. Il est né à Paris le 19 juillet 1901 de parents russes, il est mort en 1992. Cet écrivain discret n’a jamais cherché à s’imposer même si son nom reste lié aux grands événements sociaux de ce siècle. Son œuvre est abondante, variée récits, nouvelles, souvenirs d’enfance romancés, contes pour enfants, essais, voyages, poèmes et critiques cinématographiques mais cette masse importante de livres semble oubliée aujourd’hui. Celui qui fréquenta Gide, Nizan, Malraux, Cassou, Camus, Paulhan, Sartre était un spectateur attentif des événements politiques, scrupuleux à l’extrême. Sans lui, il manquerait à l’histoire littéraire de ce temps un maillon essentiel.
Claude Aveline appartient à cette génération d’écrivains pour qui l’expérience de terrain demeure irremplaçable. De santé fragile, il est obligé d’interrompre les études qu’il suivait à Janson de Sailly. À dix-sept ans, il se prend de passion pour Anatole France. Le souvenir de l’affaire Dreyfus le marquera à jamais. À la différence de ses nombreux confrères, il refuse de se laisser emprisonner dans des genres littéraires préétablis et n’imagine pas avoir une activité artistique détachée de l’action. C’est un écrivain engagé qui sacrifie à son idéal de justice et à l’esprit de tolérance.
De 1920 à 1930 il sera l’un des plus jeunes éditeurs de France qui publie Voltaire, Diderot ou, avec l’appui de France et de Gide, Valéry. Son vieil ami le librairie Max Philippe Delatte dira de lui que son travail d’éditeur restera parmi les productions les « plus soignées et les plus réussies de cette époque, l’une des plus riches de l’édition de qualité en France » 1.
En 1932, Grasset lance La Double Mort de Frédéric Belot qui eut un écho considérable. D’abord parce que Grasset propose pour la première fois un roman policier, mais aussi parce qu’il est écrit par un pur disciple d’Anatole France, un artiste au style aisé. Très rapidement le roman est salué par la critique unanime. C’est un grand succès de librairie traduit en treize langues. Pour Michel Lebrun, Aveline est un « véritable novateur du roman de mystère, un humaniste et un grand humoriste. On est heureux de pouvoir relire les textes élégants et drôles qui n’ont pas pris une ride » 2. De son côté Claude Aveline prend aussi la défense du roman criminel : « Il n’y pas de romans nobles appartenant aux Belles-Lettres (qui en décide ?) et de romans moins nobles parmi lesquels on range selon l’arbitraire habituel romans populaires, d’aventure, romans policiers ». Il s’insurge contre les formes d’asservissement de l’écrivain. Il veut changer de registre quand l’envie lui prend. Il déconcerte. Cela explique son peu de renommée en France.
Claude Aveline n’aura de cesse de pratiquer ses examens de conscience. S’il dénonce le crime et la folie, partant à l’assaut de la Beauté, le ton de l’écrivain est des plus courtois. Lors du défilé du Front populaire le 14 juillet 1936, on le vit en compagnie d’Elie Faure, Charles Vildrac, Clara et André Malraux. Il affirme que tout doit être remis en question. Il faut être prêt à dénoncer les injustices. Au fur et à mesure que les années passent, Claude Aveline sent ses illusions peu à peu s’évanouir. L’homme n’est pas réformable. Cependant, sans ses joies, ses misères, ses maladies, il ne saurait pas qui il est.
De 1940 à 1944, Claude Aveline prend part à la Résistance, publie Le Temps mort aux éditions de Minuit. En 1952, il obtient le Grand Prix de la Société des gens de lettres. Il écrit : « Nos romanciers sont trop imbus de leur intelligence. Leur obsession de la technique vient de là. » Ce texte d’une rare actualité condamne ce qu’on pourrait appeler le « roman anorexique ».
Mais Aveline est présent sur d’autres fronts. Les chroniques cinématographiques qu’il tient indifféremment dans des journaux de gauche que de droite constituent une part essentielle de son œuvre. Notamment parce qu’il révèle bon nombre de films oubliés, parce qu’il séduit par une alacrité dans l’écriture, une absence totale de préjugés.
Cinéphile de la toute première heure, il est enthousiasmé par Méliès et Louis Lumière. Il connaît très tôt Jean Vigo et ne cessera jamais au long de son activité critique de se référer à ce maître. Il créera même le prix Jean Vigo en 1951 et sera aussi un des membres fondateurs du prix Louis Delluc. Il juge les films par rapport à leur ambition, capable de découvrir les qualités d’une interprète dans un film qu’il considérera par ailleurs comme des plus faibles. Il nuancera son opinion sur René Clair, G. W. Pabst et sera l’un des premiers à parler de « la « patte » de Maurice Tourneur ». Curieusement le Mabuse de Fritz Lang ne l’inspire pas. Sensible à la fois au charme du comique troupier comme à celui de Greta Garbo qu’il considère comme une « présence » davantage qu’une comédienne.
Relisant ses chroniques, on est frappé qu’elles restent marquées çà et là d’une certaine dose de naïveté le critique des débuts n’avait pas encore trouvé ses moyens propres. Ses jugements sont parfois rapides, ses réserves surprenantes. Elles restent cependant riches d’informations : on y apprend que Francis Carco a joué dans quelques films tirés de son œuvre, que Claude Roy est figurant dans Les Disparus de Saint-Agil, que O.-P. Gilbert, un auteur français de romans d’aventures, mérite d’être sorti de l’oubli…
Certes, il serait difficile d’écrire encore sur les films de cette façon. Les chroniques de Claude Aveline sont celles d’un pionnier du genre avec ce que cela comporte d’émerveillement, de perspicacité et de considérations candides. Il n’en demeure pas moins qu’elles nous parlent encore, ne fut-ce que par un certain plaisir d’écrire sur le cinéma, plaisir qui semble perdu. La ferveur de la découverte, c’est sous ce signe qu’il faudra placer l’œuvre de Claude Aveline, son art tout de mesure et d’élégance.

1 Préface à Frédéric Belot, suite policière (Mercure de France, 1987).
2 Le Poids du feu de C. Aveline (Mercure de France, 1963).

Claude Aveline : un marxiste très courtois Par Alfred Eibel
Le Matricule des Anges n°19 , mars 1997.
LMDA PDF n°19
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