Avec son compagnon l’éditeur Bernard Wallet, Lydie Salvayre habite une ancienne ferme dans un petit village de l’Oise. Aménagée pour procurer à ses habitants un espace considérable, la maison offre aux livres un accueil spacieux : dans le salon, les deux murs de livres nécessitent un escabeau pour atteindre les titres les plus élevés. Le choix du classement (ici alphabétique sans considération de nationalité) est un sujet de conversation qui passionne la grande lectrice qu’est Lydie Salvayre. Son désir : parvenir, comme elle l’a vu ailleurs, à ranger les ouvrages par années de publication afin de mesurer la contemporanéité des textes. La romancière, d’abord, aime montrer l’usure de certains ouvrages lus jusqu’à la corde. Le Molloy de Beckett nécessite beaucoup de délicatesse dans son maniement. Aucune de ses pages ne tient.
Parmi les auteurs fréquentés assidûment (si l’on en croit et l’usure et la quantité de titres) Stig Dagerman et Lobo Antunes figurent en bonne place. Le Gai Savoir de Nietzsche en livre de poche a, lui aussi, été « très visité ». La Vie et les opinions de Tristram Shandy de Laurence Sterne en Garnier-Flammarion suscite un long débat à propos de la nouvelle version publiée par les éditions Tristram (cf page 39) : « Je suis très attachée à cette édition. C’est une merveille, la gravité n’y est jamais solennelle. »
En poche également l’ensemble de La Recherche du temps perdu édité il y a quelques années. « Ils sont beaux ces livres. Il y a des livres qui me laissent ouverte la possibilité de revenir, je ne sais pas pourquoi. Chez Beckett, je ressens ça. »
Autre auteur important, et on le sent présent aussi dans La Conférence de Cintegabelle : Vialatte. « Mais il y a un tel parti pris de dérision que parfois on aimerait qu’il dise quelque chose de grave. » Les livres de psychanalyse abondent également. Parmi eux, Lacan dont Lydie Salvayre avoue s’être servie pour le personnage du conférencier. Marc Fumaroli fait la transition avec les auteurs chéris du XVIIe siècle (La Bruyère et son « insolence risquée attachée au beau langage »). Trois Institutions littéraires de Fumaroli travaille justement l’histoire de la conversation et sa biographie de Jean de La Fontaine, Le Poète et le Roi, semble avoir considérablement impressionnée la romancière.
Peu loin, Gadda aligne La Connaissance de la douleur, Éros et Priape (cité dans La Compagnie des spectres). En haut, tout en haut, Aragon et son Traité du style (« quel panache ! ») voisine avec les 24 volumes des Œuvres complètes d’Antonin Artaud et un peu plus loin Les Somnambules d’Hermann Broch. Et puis, bien sûr, Blaise Pascal…
Dossier
Lydie Salvayre
La lecture des illustres
mai 1999 | Le Matricule des Anges n°26
| par
Thierry Guichard
Un auteur