En dehors d’un premier recueil de poèmes très confidentiel, on peut considérer La Forêt de Porphyre comme le premier livre de cette jeune poétesse, pensionnaire de la Villa Médicis il y a peu, et dont le nom a parcouru régulièrement les sommaires des revues Po&sie, Java ou Nioques. Issus de projets de performances réalisables, dans le droit fil de ce que l’on peut appeler, avec Christian Prigent, « la voix de l’écrit », les 94 textes qui ponctuent le chemin forestier de Cécile Mainardi ont ceci de particulier qu’ils entendent déployer toutes les règles, réflexions, et autres notations depuis et sur des « textes-faits-pour-n’être-lus-qu’une-seule-fois ». L’amorce est assez simple, directe, et semble dessiner tout le tour rhétorique du livre : « J’attaque l’ensemble des textes-faits-pour-n’être-lus-qu’une-seule-fois. Les textes-faits-pour-n’être-lus-qu’une-seule-fois ne se différencient pas objectivement des autres, juste ils saignent continûment dans leur calice létal, et donnent l’impression à celui qui les compose (…) qu’il ne doit pas se tromper, ne rien raturer, écrire d’un premier jet impeccable ». On apprend ainsi que le tour de force n’est pas seulement de lire mais d’écrire dans la contrainte d’une lecture exclusivement unique, c’est-à-dire d’écrire comme on lirait une et une seule fois, « d’un jet » jaculatoire, et de laisser sa trace en risquant à chaque coup le fiasco total. Travaillant ainsi au façonnage méthodique d’une explication de texte pas comme les autres, les textes-faits-pour-n’être-lus-qu’une-seule-fois complexifient leurs étendues à mesure. En dehors de la partie centrale du livre, où la charge de signes typographiques vient casser l’intensité, la finesse et la sensualité de la phrase, La Forêt de Porphyre trouve vraiment son équilibre entre l’exercice textuel et une physique amoureuse des mots, soit son rythme : "C’est encore d’ici, de ces lignes terriblement à découvert, à-ne-lire-qu’une-seule-fois, que vous m’entendrez le plus en temps réel (…) que
La Forêt de Porphyre
Cécile Mainardi
Ulysse fin de siècle
94 pages, 100 FF
Poésie Toute première fois
août 1999 | Le Matricule des Anges n°27
| par
Emmanuel Laugier
Un livre
Toute première fois
Par
Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°27
, août 1999.