Vendu comme le « premier feuilleton du troisième millénaire », le « projet » Moulard (du nom du personnage principal) ne manque pas d’ambition. Car après ce premier épisode, Pour l’amour de Pénélope écrit par Jean-Jacques Reboux, vingt-six autres ouvrages devraient suivre à un rythme mensuel. Chaque fois avec un auteur différent. On pense bien sûr au Poulpe mais, plutôt que d’exercices de style, il s’agit ici de rester dans l’esprit du feuilleton.
Pour l’amour de Pénélope, donc, récit d’introduction à la fresque comico-policière dans laquelle Jean-Jacques Reboux donne le ton, amorce les premières intrigues et installe son personnage principal.
Petit, gros et sentimental, Moulard est une sorte d’électron libre susceptible de naviguer dans tous les milieux sociaux à la façon d’un héros picaresque et il a un certain talent pour se retrouver là où il ne devrait pas. À l’origine, le jeune trentenaire Moulard ne cherche qu’à maigrir pour être accepter par celle qu’il aime -Pénélope- et avant de pouvoir dire « Heureux qui comme Moulard… », il lui faudra donc voyager et surmonter un certain nombre d’épreuves. Les sirènes qui l’égarent un temps se nomment Hermine (une prêtresse de la communication et du show-biz), la « princesse Coraline de Monaca » et une certaine Simone, tueuse professionnelle.
Issu d’un milieu communiste, sans profession déterminée et fidèle du RMI, Moulard surmonte les embûches grâce à un sens aigu du mensonge improvisé. C’est la première trouvaille amusante de cet épisode -ce mélange de naïveté et de rouerie-, la seconde étant la capacité du personnage à agir suivant une logique instinctive. Un de ses « défauts » étant en effet de ne savoir refuser aucune sollicitation. Plutôt qu’une ficelle scénaristique, on serait même tenté d’y voir la part poétique de ce tendre petit gros que tout le monde s’arrache. Aventurier du quotidien, ouvert à toute proposition, Moulard obéit à des impulsions dont il n’est jamais vraiment maître et qui l’entraînent toujours plus loin qu’il n’aurait cru.
On l’aura compris, les inventeurs de Moulard (imaginé lors d’une discussion débridée entre copains écrivains…) ne se prennent pas au sérieux. On devine une écriture rapide (tournures dites populaires, langage parlé et une tendance au bavardage), un goût assumé pour les rebondissements improbables et une envie joueuse de satire sociale. On est bien dans l’univers du feuilleton, genre sit-com déconneur, avec sa rituelle série de questions finales : « Moulard reverra-t-il un jour la Princesse Coraline de Monaca ? Réussira-t-il un jour à retrouver la part engloutie de sa mémoire et à cesser de mentir ? ». Même si Jean-Jacques Reboux parvient à donner une consistance inattendue à son personnage, même si la lecture -rapide- n’est pas déplaisante, c’est à la fois tout ça et rien de plus. Pour l’instant en tout cas. Étant donné l’ampleur du projet, il serait stupide d’être définitif à ce stade. Peut-être les auteurs parviendront-ils à faire renaître le goût du feuilleton et feront-ils de leur personnage une superstar. Mais si chaque épisode compte plus de trois cents pages, Moulard va avoir besoin d’un sacré souffle…
Pour l’amour de Pénélope
Jean-Jacques Reboux
Éditions de l’Aube
329 pages, 49 FF
Poches Moulard superstar ?
mars 2000 | Le Matricule des Anges n°30
| par
Christophe Dabitch
Jean-Jacques Reboux inaugure une nouvelle série, le roman-feuilleton de Moulard… qui suit les traces du poulpe. Le premier épisode donne le la.
Un livre
Moulard superstar ?
Par
Christophe Dabitch
Le Matricule des Anges n°30
, mars 2000.