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Domaine étranger Sirène de Buenos Aires

août 2001 | Le Matricule des Anges n°35 | par Dominique Aussenac

En inversant les miroirs, Antonio Munoz Molina révèle une identité hispanique vive, colorée, fragile, menacée. Un court roman entre saudade et satori.
Les lieux d’attente permettent-ils de sortir de la torpeur dans laquelle s’enfoncent maintes existences ? Généralement pas. Bloqué par une tempête de neige, Claudio s’engourdit dans un hall d’aérogare nord américain jusqu’au moment où Marcelo apparaît. quelqu’un comme lui, tellement cheap pour dire les choses crûment, m’identifiait aussi vite comme un de ses compatriotes, c’était que je partageais peut-être, sans m’en rendre compte, quelque chose de sa vulgarité, de sa brutale franchise espagnole. La vulgarité de ses racines, Claudio est allé la camoufler dans une Université yankee où il singe à la perfection les indigènes : aseptisation du langage, du corps, des conduites, fermeture aux autres, rigueur impeccable, arrivisme, tout en devenant un spécialiste de Jorge Luis Borges. Et c’est à Buenos Aires, lors d’un colloque qu’il doit présenter le poème Blind Few, le boucanier aveugle de L’Île au trésor qui se termine ainsi « Toi aussi, en d’autres plages d’or /T’attend incorruptible ton propre trésor : /La vaste et vague et nécessaire mort. »
À l’évocation de Buenos Aires, le très volubile Marcelo s’enflamme et parle d’une femme fatale qu’il y a connue, Carlota Fainberg. Tour à tour irrité, dégoûté par son compatriote, Claudio finit par être fasciné par ses mots, son pouvoir d’évocation, le mystère de Carlota. Dans la ville portègne, il quêtera la somptueuse créature, mais une autre irréalité se présentera à lui.
À partir d’une commande du journal El Pais qui voulait fêter le centenaire de L’Île au trésor de Stevenson, Molina, plus jeune membre (né en 1956 à Ubeda) de la Real Academia de Letras, croulant sous les prix littéraires (Prix Fémina étranger 98 avec Pleine Lune, Prix national de Littérature 87 et 92 et Prix Planeta 91 pour Betnebros, ouvrages publiés au Seuil) mit cinq ans à écrire ce court roman. Genre dont il fait l’apologie dans la préface « Celui qui lit La Tour d’écrou, L’Invention de Morel, Mort à Venise, Les Adieux, Docteur Jekyll et Mr. Hyde y trouve l’intensité et l’unité de temps de la nouvelle réunies à l’ampleur intérieure du roman. »
Cadre imposé, retournements de situations, changements de registres de langues, irruption du fantastique font de ce dernier un virtuose exercice de style à la dimension métaphysique. Le portrait en miroir inversé des deux protagonistes, l’un fuyant ses racines, l’autre les affichant ostensiblement, génère un questionnement sur l’être, son identité, son accomplissement. L’acculturation que s’inflige Claudio, ne lui permet pas de se réaliser dans le travail sur le sens, sur les mots qu’il a choisis. Il ne peut refuser son hispanité, adopter une culture dominante, écrasée par le culte de la marchandise, l’entreprise sans esprit, la glorification de l’image, du paraître sans tuer la vie, le désir qui est en lui. Sa quête de la vérité, vaine, stérile, contradictoire ne révélera que le fantomatique, le mortifère. Peu de romans aujourd’hui suscitent une aussi particulière émotion, un tel intense vacillement, triste, mélancolique, baroque entre saudade et satori, qui perdure étrangement à l’instar du souvenir de Carlota Fainberg dans la tête des deux hommes.

Carlota Fainberg
Antonio Munoz Molina
Traduit de l’espagnol
par Philippe Bataillon
Seuil
187 pages, 110 FF (16,77 o)

Sirène de Buenos Aires Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°35 , août 2001.
LMDA PDF n°35
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