La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français L’appel de la chaire

mars 2002 | Le Matricule des Anges n°38 | par Pascal Paillardet

Engagé sur les fronts baptismaux de l’écriture et de la peinture, Bernard Duvert publie son Livre d’or. Prêtre iconoclaste, il poursuit dans ce récit sa troublante mise à nu d’une mystique de la chair.

L’insatiable Mélanie se serait sans doute abandonnée avec ferveur au catéchisme de ce prêtre-là. Plaise à Dieu qu’il lui aurait gracieusement accordé quelques cierges pour accomplir ses gourmandes prières. En guise de salut, une fois rassasiée de candélabres, Mélanie, l’ouaille gloutonne chantée par Georges Brassens, aurait succombé à la littérature charnue de Bernard Duvert, et à sa peinture aux fulgurances phalliques -des ogives que seuls des esprits grivois peuvent confondre avec des cyprès.
Des « Litanies de la bite en feu » (« à consommer de préférence entièrement nu et en lévitation », recommande le poète) à la « Prière d’action de grâce du célébrant calotin », les offices de Bernard Duvert -ou du Père Marie Bernard, si l’on se réfère au registre religieux- ne font pas de cérémonie. Ils font désordre. « Il y a, dans mon oeuvre poétique et picturale, une certaine phallocalie inscrite dans une tradition byzantine qui cherche à exprimer cette évidence : le principe de vie est contenu dans l’érection. Ma démarche n’a pas pour but d’exhiber la chair, mais de la sacraliser. Ce n’est ni du vice ni un sacrilège ! »
La mystique de la chair, révélée par Bernard Duvert, se livre sans confessions ni concessions. Avec peut-être un rien de provocation, même si Bernard Duvert se défend de vouloir tempêter dans le bénitier. Il suffit, pour s’en convaincre, de communier dans la lecture de ses deux ouvrages publiés aux éditions de La Différence : Offices de nuit, un recueil de poèmes édité en 1999, illustré par ses soins, et Livre d’or, qui paraît aujourd’hui. Dans ce dernier récit, Bernard Duvert s’interroge sur le malentendu artistique, crucifie les précieuses ridicules qui profanent le mystère des toiles et pontifient dans les galeries d’art. S’inspirant d’un tableau de Georges de La Tour, « St Sébastien soigné par Irène (à la lanterne) », l’écrivain laisse entendre le « gargouillis des gens qui n’ont rien à dire » et raille l’aveuglement des « yeux qui ne voient pas ». Des triviales ou vaniteuses notations, consignées par les visiteurs dans le livre d’or d’une exposition, sont au coeur de cette diatribe : « Je ne saisis pas bien, mais il y a sûrement quelque chose » ; « L’intimité ça existe au lit, mais pas sur les tableaux » ; « Il manque des bleus, des verts aussi. Par contre, ce serait très joli en tapisserie » ; « Beaucoup d’énergie pour pas grand-chose » ; « J’ai du mal à comprendre. Félicitations quand même »
Dans son Livre d’or, mais plus encore dans ses Offices de nuit, Bernard Duvert prêche pour un « érotisme mystique », appréhendé en toute liberté, à l’ombre des cyprès. « Deux questions, a-t-il précisé dans Offices de nuit, sont communes à l’humanité, le sexe et le sacré. Selon qu’elle se fonde sur la liberté ou sur la crainte, notre réponse décide de notre conduite avec ce qu’on appelle Dieu ou soi-même ». L’écrivain propose ses réponses en usant, avec un doigté certain, des « mots de son temps ». Des mots dont il souligne l’équivoque, la musicalité et les résonances. Sa parole abrupte et organique, subversive et sulfureuse, invective la pruderie et le mensonge. « Cette scène, écrit-il après le récit osé d’orgasmiques envolées, j’ai voulu la décrire non pour scandaliser mon lecteur mais pour lui donner plus de vérité dans son corps avec ce qu’on appelle la Rédemption. Ceux-là qui prennent la pose derrière des prières et gagent la maladie des autres comme une valeur-refuge, ne sont-ils pas plus indécents ? »
À 50 ans, Bernard Duvert est un abbé sans paroisse. Ordonné prêtre en 1979, à 28 ans, il a été aumônier du théâtre du Capitole de Toulouse, avant d’abandonner tout ministère. « À Toulouse, j’ai interprété quelques rôles dans des opéras. Sous la direction du chef d’orchestre Michel Plasson, j’ai même eu l’honneur d’incarner le cardinal de ’’La Tosca’’, l’opéra de Puccini. Très rapidement, dès le début des années 1980, j’ai compris la nécessité de me retrancher de tout ministère. » Aujourd’hui, celui qui se définit comme un refondateur de l’Église vit en marge de la citadelle ecclésiale. « Prêtre nomade », il reçoit dans son appartement parisien, près de la place de la Nation. Un logement qui abrite son atelier d’artiste, son bureau d’écrivain, et un autel de célébration décoré de cyprès. « C’est mon Mont Athos ! Dans le recueillement de cette sorte de cellule monacale, ma conception du sacerdoce se confond avec ma vocation artistique. Renoncer au sacerdoce ou à l’art serait me mutiler. »
S’il n’a osé l’écriture que très tardivement, il y a une dizaine d’années, Bernard Duvert a commencé à peindre à six ans, l’âge où il a également désiré devenir prêtre. « Ma peinture a longtemps été prudente et figurative. J’ai été dépucelé en 1987 par ma rencontre avec le Suédois Bengt Lindström, peintre expressionniste et chaman. » Après cette révélation picturale, Bernard Duvert s’est détourné des icônes poussiéreuses. À travers ses tableaux, vibrant selon lui d’un « mouvement ascensionnel, érectionnel », il s’est attelé à inventer une « nouvelle iconographie, forcément iconoclaste, de l’Évangile ». Cette volonté guide les orientations de sa littérature. De ses récits qu’il déroule sur la toile de fond de l’érotisme mystique. « Je ne fais pas un art chrétien, ni un art cultuel. Je prône une vision qui rompt avec les aveuglements de la morale bourgeoise qui inhibe l’Église. Je recherche l’homme jusque dans ses bas-fonds, jusque dans ses plus grands désarrois ». Admirateur de l’oeuvre de Jean Genet (« Il a su unir le symbolisme et le mythe »), Bernard Duvert parle en affranchi. De l’homosexualité. De l’onanisme. Du plaisir, dans la solitude ou la multitude. « Beaucoup de prêtres m’ont écrit avec la parution de mon livre Offices de nuit. Ils étaient soulagés. Ils me remerciaient d’avoir briser les tabous. Je sais, en revanche, qu’il y a quelques grincements de dents au sein de l’autorité ecclésiastique. » L’abbé se moque de ces querelles de clochers. Des manuscrits sont en attente. Une adaptation théâtrale de son Livre d’or est déjà envisagée. Et Bernadette Laffont lui a proposé d’incarner, dans un court métrage, le licencieux cardinal de Bernis.
Surnommé « Babet la Bouquetière », ce prélat à l’esprit libertin aimait conter fleurette à la Pompadour sous les cyprès.

Livre d’or
Bernard DuverT

La Différence
125 pages, 10,60 (69,53 FF)

L’appel de la chaire Par Pascal Paillardet
Le Matricule des Anges n°38 , mars 2002.
LMDA PDF n°38
4,00