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Domaine étranger Le périple invisible

mars 2002 | Le Matricule des Anges n°38 | par Pierre Hild

Fugue littéraire, livre de voyages, Amer savoir de l’écrivain turc Enis Batur fait de l’égarement la matière d’une quête intérieure, sans frontières. Une manière de "passer outre".

Enis Batur est un des plus grands écrivains turcs vivant, « né au début de la seconde moitié du XXe siècle » qui s’est « lancé dans l’écriture au début du dernier quart ». Jusqu’ici, on le connaissait surtout en France par deux plaquettes de poésie que publièrent les éditions Fata Morgana. Avec Amer savoir, nous tenons une prose inclassable, un ensemble qui n’est pas de la catégorie des livres où l’on « suit doucement l’itinéraire qu’on a tracé » après l’établissement rigide de plans et notes. Composé de douze séquences regroupant de courts textes, ponctué de documents photographiques -aspect qui pourrait parfois évoquer le Nadja de Breton-, il est une sorte de fugue qui, comme la démarche de Bach, aurait « horreur des lignes droites », ne voudrait « surtout pas emprunter de raccourcis » : « un appel infini de la courbe » qui « avance (…) sans chercher à aller quelque part ».
Fugue littéraire par sa structure, Amer savoir est aussi le récit des fugues d’un écrivain : un drôle de livre de voyage qui se présente lui-même, dans le cours du texte, par le jeu d’une fausse quatrième de couverture qui livre quelques clefs. « Le livre qu’Enis Batur a rédigé sur son périple commencé à Paris en mai 1999, tout au long d’un itinéraire spécial de Lisbonne à Marseille, de Barbizon à Etretat, constitue le dernier volume de ses Voyages. C’est dire s’il s’agit d’un livre de voyage hors du commun. Plus que sur une géographie, l’auteur écrit sous forme de spirales sur un temps donné avec ses strates enchevêtrées ; il se déplace dans son imagination plutôt que sur une vraie carte ».
Pas de vraie carte, donc. Peu d’éléments exotiques, encore moins touristiques. Pas d’ancrages précis. Amer savoir est un voyage dans le voyage, une suite d’esquisses de ce qui pourrait former une philosophie du voyage, prenant en compte ses champs divers : voyage dans le temps, voyage immobile, échappées dans les marges. Donnant un écho singulier à la thèse que Jean-Didier Urbain développe dans son livre Secrets de voyage, -« en entamant un voyage, l’homme aspire à forcer les frontières de sa propre identité »-, Batur développe un texte dont l’enjeu serait intime et les vraies cartes intérieures. Les traces suivies et exposées, les frontières franchies, sont celles d’un homme qui pourrait murmurer « Je suis perdu (…) quelque part dans moi-même », un homme qui tenterait de relever ses divisions, égarements, pour mieux connaître cet ailleurs qu’il est pour lui-même.
«  »Voyage égale mensonge« , dit le romancier hongrois Péter Esterházy. Il n’a pas dit fiction ou invention, non il choisit bien le terme, la notion de mensonge. Et il le souligne. Que le voyage puisse être vrai, je ne le crois guère ; qu’il puisse être réalité, si nous entendons par là la réalité même, je ne le crois guère. Mais qu’il soit mensonge, comme ça, sans vergogne, cela ne me paraît pas inévitable, je le dis sincèrement. En revanche, j’ai la certitude que le mensonge est un (une sorte de) voyage. » La quête de nos mensonges, peut-être, la quête de nos vérités -celles, changeantes, de la pluralité de nos mondes intérieurs-, cela aussi forme un voyage : un long périple vers soi où l’exotisme est viscéral.

Amer savoir
Enis Batur
Traduit du turc
par Ferda Fydan
Actes Sud
336 pages, 22,90 (150,21 FF)

Le périple invisible Par Pierre Hild
Le Matricule des Anges n°38 , mars 2002.
LMDA PDF n°38
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