Si le réel, par dément interposé (tuerie au Conseil municipal de Nanterre), n’avait mis dramatiquement le Glock, ce pistolet d’origine autrichienne qui équipe les policiers new-yorkais, sur le devant de la scène, beaucoup de lecteurs de Jérôme Charyn penseraient encore qu’il n’est qu’un monstre de fer et de feu inventé par l’auteur. À l’instar du roi Midas qui transformait en or tout ce qu’il touchait, Charyn déforme non pas la réalité (il évoque ces aspects les plus sombres, les plus abjects, les plus injustes) mais les êtres qu’il rend angéliquement monstrueux. Pour cela, il introduit dans la noirceur de ses polars new-yorkais toute la fantasmagorie des contes pour enfants de la vieille Europe et le souvenir des pogroms et de la Shoa. Flics, truands, politiciens se transforment tour à tour en dragons, ogres, nains, géants. Isaac Sidel, le commissaire new-yorkais, son héros favori, porte dans ses entrailles un ver solitaire que lui ont refilé les Gunzman, un clan d’affreux juifs péruviens, dont les ascendants originaires du sud de l’Espagne, avaient fui les persécutions de l’Inquisition.
Né à New York dans le Bronx en 1937, Jérôme Charyn aime tout à la fois l’action, course effrénée, vertigineuse, les intrigues autour du pouvoir et se noyer de nostalgie. Une nostalgie slave, une nostalgie de l’enfance. Professeur de littérature policière et d’esthétique du cinéma à l’Université américaine de Paris, il est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages dont le personnage central est sa ville natale qu’il visite deux à trois fois l’an et dont il aime le tempo, l’architecture, les communautés, le caractère quasi-mythique. Charyn a écrit des romans, des essais, des pièces de théâtre, des scénarios de bandes dessinées. Dans Rue du Petit ange, huitième ouvrage de la série, débutée par Zyeux-Bleus (1977, Gallimard) Isaac Sidel prend du galon, attend son investiture comme maire de New York en dormant avec des sans-abri, jusqu’à ce que de mystérieux tueurs viennent à se débarrasser de ces derniers. Trafic d’enfants, peep-shows, tueurs d’Europe centrale, politiciens véreux, Sidel sera pris dans un malstrom d’aventures le menant de New York à Carcassonne (où seule faute de goût du roman, il boira du cahors).
Jérôme Charyn aimerait pouvoir être lecteur et écrivain en même temps, lire les yeux fermés pour accéder directement au Rêve. Il pratique le ping-pong, apprécie les rapports que ce sport entretient entre sons et silence. Le ping-pong comme l’écriture lui permettent de retrouver la petite musique de la vie, faite d’espaces vides entre les phrases et de fureur. Le Silence et la Fureur, presqu’une variation free-jazz sur le titre de son écrivain majeur : William Faulkner.
Les aventures d’Isaac Sidel occupent une place à part dans l’ensemble de votre oeuvre. Quelle est-elle ?
Oui, ce sont des aventures avec beaucoup de poésie sur l’image et le rêve de New York. Ça m’amuse beaucoup. C’est difficile à un écrivain de dire...
Entretiens Bon, brute et truand
Dans son huitième opus des aventures du commissaire Isaac Sidel, Jérôme Charyn offre un nouveau conte pour adultes, sur l’enfance et l’innocence perdue. Noir, débridé, cruel, nostalgique et presque merveilleux.