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Poésie L’astre noir russe

juin 2002 | Le Matricule des Anges n°39 | par Richard Blin

En un fraternel hommage à la poétesse Marina Tsvétaïéva (1892-1941), Linda Lê retrace l’itinéraire tourmenté d’une oeuvre et d’une âme en quête de l’harmonie perdue.

Marina Tsvétaïéva

Sauvagement passionnée, la voix de Marina Tsvétaïéva. Des bouquets de rosée sur des fleurs de bord d’abîme. Des bousculades de tendresse fauve conjuguées au féminin de l’aveu. Des précipités d’impossible mirés à la phosphorescence de l’instant. Une poésie à vivre. « Un poème de Tsvétaïéva ne se lit pas, il se vit. Il faut se laisser saisir. » Reflet d’une vie où la raison qui calcule laisse place à la foudre, à l’émoi et à l’instinct, sa poésie a quelque chose de lumineusement blessé et de haletant. Fougue syncopée, ruptures et accélérations, ellipses et ferveur. Ici, le tiret règne en maître, et la ponctuation est avant tout expressive. Ce ne sont que noeuds de passion et d’espérance, travail du ressac, de la déchirure, de l’irruption. Le nerf est à vif, l’os saillant. Tout est tendu et implorant mais comme prêt à se déployer en enveloppements désirants.
« Aiguiser les couteaux sur/ Le roc, ou bien balayer/ La sciure ! De la fourrure/ Sous les mains -mouillée !// Eh bien !, les soeurs, quoi ?!/ -Force et sécheresse/ D’homme ! Sous les doigts -/ Larmes, non averse !// De quels charmes maintenant/ Parler ? Sur tes biens - l’eau trône ! » (1) Une poésie à l’image d’un destin tragique. Pourtant tout avait commencé comme dans un conte de fées. Fille du fondateur du Musée des beaux arts (aujourd’hui Musée Pouchkine) et d’une mère qui voulait faire de sa fille une musicienne, Marina parle français dès son plus jeune âge, écrit des poèmes en allemand à 12 ans, vient seule en France, à 16 ans, pour voir Sarah Bernhardt dans L’Aiglon, et publie son premier recueil à 18 ans. Impatiente, volontiers frondeuse, magnifique d’élans, elle épouse, un an plus tard, Sergueï Efron. « Avec défi, je porte son anneau/ Je suis sa femme, devant l’éternité -pas sur papier ».
Avec la Révolution d’Octobre, son mari s’engage dans l’armée blanche. Elle reste avec ses deux filles. La cadette meurt de faim. En 1922, elle émigre. Elle connaîtra dix-sept années d’exil, à Berlin, Prague, puis Paris. Son dénuement est total. Coupée de ses sources vives - « En Russie, je suis un poète sans livres, ici -un poète sans lecteurs » -, elle n’en continue pas moins à vivre et à écrire à la vitesse de ses émotions, au rythme des forces qui la poussent à chérir les causes les plus désespérées. Dans la Russie rouge, elle louait l’armée blanche ; dans les milieux de l’émigration, elle défend Maïakovski.
Son côté hérétique attisera constamment son désir de consumation et son idéal de contre-morale. « Même ma langue maternelle/ Aux sons lactés -je m’en défie./ Il m’est indifférent en quelle/ Langue être incomprise et de qui ! »
Philosophie de l’inconfort et soif d’absolu qui s’incarnent dans un terrifiant besoin d’amour. Vivre, c’était aimer, prendre tous les risques, être toujours en quête du Miracle de l’Autre. Passions tumultueuses, amours épistolaires, intermèdes saphiques, l’amour est, pour Tsvétaïéva, le pendant de la création. Comme l’état poétique, l’amour est un état de haute tension, d’ascèse et d’affirmation, d’exaltation et d’écartèlement.
Toujours déçue, toujours blessée, toujours malheureuse… Sa démesure l’empêche de vivre. De retour à Moscou en 1939, elle a bien du mal à survivre. Bientôt obligée de fuir devant l’avance allemande, elle se pendra, comme en un ultime refus, en août 1941, dans la petite ville d’Elabouga, en pays tatar, où elle avait été évacuée.
Une vie de passions, de déchirements et d’amitiés : il faut lire la prodigieuse correspondance qu’elle eut avec Pasternak et Rilke(2), durant l’été 1926 ; une vie qu’elle ne cessa de transfigurer dans ses poèmes. « Leur pouvoir d’envoûtement, écrit Linda Lê, naît de cet art des contrastes où il y a lutte perpétuelle entre la réflexion et l’impulsion, la patience et la frénésie, les débordements extatiques et les sarcasmes. » Marina Tsvétaïéva : un cristal qui incendie, une érotique de la déception élevée à la dignité d’un absolu.

Marina Tsvétaïéva, ça va la vie ?
Linda Lê
Jean-Michel Place, 125 pages, 11 euros

(1) Le Ciel brûle, suivi de Tentative de jalousie (Poésie/Gallimard, 1999)
(2) Correspondance à trois (Gallimard, 1983)

L’astre noir russe Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°39 , juin 2002.
LMDA PDF n°39
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