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Histoire littéraire À l’ombre du Grand Jeu

septembre 2002 | Le Matricule des Anges n°40 | par Éric Dussert

Pierre Minet (1909-1975) est un frère mineur de la fraternité du Grand Jeu. Obsédé par l’amour des femmes, il a tout fait pour ne pas concevoir d’œuvre. Un cas plus que singulier.

En mal d’aurore, journal 1932-1975

Né à Liège en 1955, Patrick Krémer n’est pas tombé dans le Grand Jeu lorsqu’il était tout petit. Il l’admet très simplement, c’est par hasard qu’il l’a découvert. Depuis, il approfondit le sujet avec constance en mettant notamment à la disposition de Roger Gilbert-Lecomte, André Rolland de Renéville les pages de la revue Courant d’ombres qu’il a fondée en 1995 ainsi que son temps : de Renéville on lui doit la réédition de Sciences maudites et Poètes maudits (Le Bois d’Orion, 1997) en attendant Rimbaud le voyant, L’Expérience poétique et Univers de la parole prévus pour 2002-2003. Féru de mystique rhénane ou flamande, prosateur lui-même (Histoires de l’homme, L’Escampette, 1996), le chercheur Patrick Krémer parcourt l’œuvre des explorateurs de nos profondeurs à la recherche de « la vraie parole, celle qui donne survie ». Après Henri Michaux ou Claude Louis-Combet, c’est Pierre Minet qu’il dévoile dans un exercice intime impressionnant.

En 1952, Albert Paraz parlait en ces termes de Pierre Minet : « Le terrible Minet, le lion des critiques ». Qui était-il ?
Qui était Minet ? Dandy révolté, clochard monarchiste, noceur spleenétique, poète déserteur, athée mystique, homme du paradoxe, des spectaculaires revirements, admirateur et pourfendeur de ses meilleurs amis, amoureux éperdu de la Femme, velléitaire de l’écriture, constamment déchiré entre l’obsession de la première et le taraudage de la seconde, prince de l’autocritique sur laquelle il bâtira son œuvre majeure (La Défaite), Minet était tout cela à la fois : homme multiple qui pouvait au gré de la vie, des rencontres, de la maladie ou de l’ennui, endosser l’un ou l’autre de ses manteaux. Terrible sans doute, mais pour lui plus que pour quiconque. Quant à être un « lion des critiques », la formule d’Albert Paraz me paraît exagérée dans la mesure où, relativement peu nombreuses, ses critiques sont la plupart du temps dépourvues de la véhémence qu’il pouvait avoir dans ses carnets ou dans la vie quotidienne.
Pierre Minet était resté lié à l’aventure du Grand Jeu. Or, si Gilbert-Lecomte ou Daumal et Rolland de Renéville ont conservé une audience, l’œuvre de Pierre Minet a été effacée. Pourquoi ?
Ma réponse sera double. D’abord je ne pense pas que l’œuvre de Pierre Minet soit plus effacée que celle de Rolland de Renéville : plusieurs éditeurs ont assumé sa postérité (Belfond, L’Éther Vague, voire même La NRf), tandis que celle de Renéville ne l’est que par le courage de quelques rares passionnés. C’est que Minet échappe à tout ce qui a nui à Renéville : à l’origine du Grand Jeu aux côtés de Daumal, Lecomte et Vailland, il n’a que peu participé au groupe, n’a pas pris part à la querelle autour d’Aragon (inculpé pour son poème Front rouge, les surréalistes lancèrent une pétition que Renéville refusa de signer), laquelle aboutira à sa dissolution en 1932, et ne peut donc être l’objet des accusations portées sur Renéville (celles de contre-révolutionnaire, de fossoyeur du Grand Jeu). Si effacement il y a, c’est essentiellement dû à deux facteurs : la minceur de l’œuvre (cinq ouvrages en cinquante années de vie littéraire) et, surtout, la très grande disproportion entre ses écrits et ceux de ses amis, à tel point qu’on peut avoir du mal à imaginer qu’ils appartinrent au même groupe et eurent en commun une même quête. Ceci m’amène à penser que le nom de Pierre Minet est, en définitive, moins lié à l’aventure du Grand Jeu qu’à celui de Gilbert-Lecomte pour lequel il a mené un admirable combat afin de permettre l’édition de son œuvre.
Vous étiez jusqu’à présent l’éditeur d’André Rolland de Renéville, pour quelles raisons avez-vous entrepris l’édition du Journal de Minet ?
C’est Christian Le Mellec, l’éditeur du Bois d’Orion, qui, après avoir lu quelques pages du Journal de Minet, m’a fait part de son enthousiasme et m’a proposé de l’éditer. Après avoir travaillé sur Renéville, l’idée était bien sûr séduisante : si je connaissais Minet pour avoir lu La Défaite, je ne m’étais pas réellement penché sur lui, étant plus absorbé par le triumvirat du Grand Jeu (Daumal, Lecomte et Renéville) ; là, par cette multitude de carnets s’étalant sur une cinquantaine d’années, j’allais entrer de plein pied dans l’antre du Grand Jeu, en connaître la vie de l’intérieur. Mais très vite je me suis rendu compte que, dans la vie de Pierre Minet, le Grand Jeu n’avait pas l’importance que l’on pouvait penser : quasiment pas la moindre trace des années simplistes pas plus que de l’aventure du Grand Jeu, ce qui rejoint ce que je vous disais tout à l’heure quant au fait qu’il ne soit pas foncièrement lié à l’aventure du groupe. Une seule obsession : l’amour, celui qui rejette le poète aux marges de la page blanche. La surprise fut grande, mais elle me permit de découvrir un être singulier et, au bout du compte, attachant.
Son journal est un exercice d’introspection permanente. Outre un grand souci de l’Amour, on découvre un homme dont les avis changent beaucoup et porte une admiration forte à Max Jacob et à l’ambigu Maurice Sachs…
Introspection permanente comme l’est d’une manière générale son œuvre symbolisée par La Défaite. Une introspection qui ne laisse pas la moindre place à la complaisance : l’autocritique est constante, souvent violente. Il n’est dès lors pas surprenant que cet homme intransigeant envers lui-même ait aussi été capable de spectaculaires revirements dans ses prises de position, d’admirations qui peuvent surprendre : quel gouffre entre Max Jacob et Maurice Sachs, entre l’interné de Drancy et le juif collaborateur ! et pourtant Pierre Minet pouvait admirer les deux, critiquer plus souvent le premier que le second, parce que Max Jacob était un proche, un ami, un soutien, presque un père spirituel (il n’est que de lire leur correspondance), quand le second représentait à ses yeux un modèle de dandysme qui le fascinait, lui le nostalgique de la monarchie, et envers lequel il pouvait se montrer bien moins sévère. Mais les deux admirations les plus marquantes, parce qu’elles l’empêcheront, d’une certaine manière, d’accomplir l’œuvre à laquelle il semblait destiné, restent la Femme, sa déesse, et Roger Gilbert-Lecomte, son dieu.

Voir aussi : http://mapage.noos.fr/patrick_kremer/

En mal d’aurore,
Journal 1932-1975

Pierre Minet
Le Bois d’Orion
442 pages, 29,50

À l’ombre du Grand Jeu Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°40 , septembre 2002.
LMDA PDF n°40
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