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Domaine français Les loges de la folie

mai 2003 | Le Matricule des Anges n°44 | par Jean Laurenti

En quarante-quatre chapitres, le facétieux Georges Picard fait le portrait de notre monde aveuglé par son culte de la raison. Dans le miroir qu’il nous tend, chacun se reconnaîtra.

Imaginons un instant que toute l’histoire de l’humanité consiste en une expérimentation. Aux manettes, un observateur désireux de voir comment les hommes se débrouillent avec les moyens qui leur sont consentis. Notre planète serait une sorte de « loft bleuté à l’intérieur duquel six milliards de fous claquemurés s’amusent à se faire peur en bidouillant dangereusement la mécanique du système. » C’est à ce plaisant effort d’imagination et à d’autres exercices de gymnastique spirituelle que nous convie Georges Picard -auteur de Tout m’énerve et de De la connerie- dans cette variation sur le motif de la folie. « Partout, autour de moi, la Folie monte » : la teneur de ce constat liminaire qui prolonge le coup de massue asséné par le titre ne doit pas nous tromper. Nulle prétention à une posture d’observateur privilégié chez Picard : il revendique sa place à l’intérieur du loft, et se propose même d’y aménager un petit coin confortable et coquet : le « Club de la folie conséquente dans lequel seraient admis tous les fous lucides désireux de tirer les conséquences pratiques de leur état. » Il s’agirait d’y partager quelques bonnes bouteilles, d’y célébrer un commun « refus du rationnel », de la logique et de son délire mécaniste fondé sur le syllogisme. Pas question d’accepter une folie ayant vocation à faire système : les « fanatiques monomaniaques » ne seront admis qu’à titre provisoire ; ceux qui auront « la moindre chose à prouver » devront passer leur chemin : « Rien de pire que les folies militantes. (…) nous n’avons de penchant que pour les folies désintéressées et désillusionnées ».
Sous le couvert d’une pochade philosophique, Georges Picard se livre à une réjouissante entreprise de moraliste, épinglant efficacement quelques travers majeurs de l’espèce humaine aveuglée par son culte de « la Raison », inspirateur de désastres en tout genre. Folie et Raison (ces majuscules, comme les nombreuses autres qui parsèment le livre, sont de l’auteur qui en assume joyeusement le « kitsch ») forment par ailleurs un couple infernal uni sous le régime de la communauté des biens : la Folie adapte à ses objectifs l’appareillage logique de la Raison, qui en retour fait siens les « objectifs mégalomaniaques » de la Folie.
Tout au long de ces quarante-quatre chapitres, le projecteur est mis sur diverses formes de folie, ordinaire ou sublime, qui sont autant de miroirs tendus au lecteur et d’essais d’interprétation du monde comme il (ne) va (pas). Folie du collectionneur, de l’universitaire prisonnier de son objet d’étude, de l’ambitieux, perpétuel insatisfait. Terrible folie des hommes qui ont rendu les vaches folles avant de les immoler sur l’autel de la logique productiviste.
Picard épingle aussi le mythe de la folie pourvoyeuse de génie (un monde désenchanté a besoin de ménager quelques refuges au « divin ») à l’image des créateurs qu’elle a marqués de son sceau, tels Hölderlin, Nerval, Nietzsche ou Artaud. « Je connais des petits talents prêts à signer le pacte avant de se laisser foudroyer », écrit-il avec la causticité d’un La Bruyère. Les passages consacrés aux bizarreries du quotidien, comportements guettés par la folie, sont parmi les plus saisissants : « Je me demande s’il existe sur Terre un seul adulte qui ne se soit jamais tiré la langue en se regardant dans une glace », s’interroge Picard. La question fait mouche. Convenons avec lui qu’une observation un peu attentive de notre entourage, un relevé sans complaisance de nos réflexions intimes, nous apportent instantanément un lot de signes incontestables d’étrangeté. « Tout ça n’est pas normal. Tout ça fait penser. » Tant mieux pour le Club.

Tous fous
Georges Picard
José Corti
201 pages, 14,50

Les loges de la folie Par Jean Laurenti
Le Matricule des Anges n°44 , mai 2003.
LMDA PDF n°44
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