Pied-à-terre de l’océan, le fleuve promène entre ses berges des envies d’équipées timides et lentes. Ses rives domestiquées bornent un horizon prudent mais précieux pour le modeste Ulysse qui rêve discrètement de larguer les amarres. Seul et ennuyé, lassé des « hémorragies de béton » et des « foules énervées », le narrateur de Jusqu’à la mer est l’un de ces explorateurs qui avancent au rythme indolent des péniches. Au fil des pages, au fil de l’eau, ce « cycliste processionnaire » se contente de broder son motif le long de la Seine, cette écharpe froissée posée sur la nuque du monde. Les rencontres fugitives avec les mariniers ont la retenue des accostages hésitants. D’une péniche, La Luciole, surgit la silhouette d’une femme brune qui suscite quelques remous dans la monotonie. Ce récit de Bernard Mathieu, auteur du journal de voyage Cargo (Denoël, 1986), défriche avec douceur et sensualité un chemin de halage. Plus apaisé que le roman Un cachalot sur les bras, une fiction harcelée par les tempêtes et les cyclones, Jusqu’à la mer est le carnet de bord d’une odyssée en miniature.
Jusqu’à la mer
Bernard Mathieu
Joëlle Losfeld
118 pages, 8,50 €
Domaine français Jusqu’à la mer
mai 2003 | Le Matricule des Anges n°44
| par
Pascal Paillardet
Un livre
Jusqu’à la mer
Par
Pascal Paillardet
Le Matricule des Anges n°44
, mai 2003.