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Domaine français Mon père, ce fantôme

septembre 2004 | Le Matricule des Anges n°56 | par Thierry Guichard

Derrière la figure de son père, Marie Nimier cherche à mieux comprendre qui elle est. Et prouve que la vie est parfois littéraire.

La Reine du silence

La Reine du silence pourrait facilement avoir quelque chose de frustrant. On y voit une romancière évoquer la figure de son père, Roger Nimier, écrivain mort dans un accident de voiture en 1962. Il y a là, pense-t-on, quelque chose de très beau. Une fille parle de son père mort alors qu’elle n’avait que 5 ans en même temps qu’un auteur parle d’un autre auteur. Les liens du sang mêlés aux liens de l’encre. Mais, très vite, Marie Nimier quitte la route ou plutôt : elle ne la prend pas. Son écriture refuse la ligne droite tout autant que la nostalgie. On n’aura pas le roman de Roger Nimier par sa fille Marie. On n’aura pas cette fiction, seule capable, probablement, de dire la vérité d’une paternité boiteuse. Marie Nimier préfère rester à un carrefour entre la littérature et la vie. Ne pas utiliser le destin de son père pour faire de la littérature mais utiliser l’histoire familiale pour faire apparaître, insensiblement, ce que la vie de la fille de Roger Nimier peut avoir de littéraire par l’héritage que cette mort lui a légué.
Le chemin d’abord est trop évidemment balisé : l’accident de Roger Nimier est inexplicable. « La voiture roulait sur la file de gauche lorsqu’elle vira à droite en freinant sans que rien puisse expliquer ce brusque écart de conduite. » Rien sinon qu’aux côtés de Nimier (au volant ?), se trouvait un personnage hautement romanesque : la jeune Sunsiaré de Larcône, 27 ans, belle et romancière.
Marie Nimier n’enquête pas sur l’accident qui coûta la vie à son père « ni vraiment là quand il était présent, ni vraiment absent quand il nous quitta » ayant abandonné sa femme et ses enfants. Elle n’enquête pas plus sur la belle Sunsiaré dont elle a rencontré le fils. Elle enquête sur elle-même. Sur la ténuité des relations qu’elle put avoir avec son père, sur des bribes de souvenirs qui ne sont peut-être que des souvenirs de récits familiaux. Sur, improbable enquête, ce qu’il pensait d’elle. Étrangement (mais n’est-ce pas là tout le talent de la romancière ?) le récit tisse tout un réseau de signes forts et surprenants, traces fantomatiques du père qui, inconsciemment, organisent la vie de la narratrice. Marie Nimier alterne souvenirs et présent où elle tente vainement de passer son permis de conduire. Les passages qui évoquent ses échecs successifs devant l’inspecteur ont la clarté du témoignage. Mais on n’oublie pas que c’est en Aston Martin que se tua son père, que les voitures ont toujours eu pour lui une importance considérable (au point d’en coucher une sur son testament)… Avec une étonnante fluidité, le récit rassemble ces moments où la vie de la romancière se fait l’écho ou la conséquence d’un mot écrit par Roger Nimier. Comme ce billet écrit à la naissance de sa fille qui peut-être la poussera à se jeter dans la Seine vingt-cinq ans plus tard…
Ce n’est donc pas pour faire des révélations que « la reine du silence » évoque les crises de son père, un canapé éventré, un revolver posé sur la tempe du fils en bas âge ou sa tentative de suicide. Ces « flashes » de la mémoire viennent éclairer, comme autant de révélations, la voie invisible qu’aura suivie la narratrice, comme un fil de crin tendu entre elle et un fantôme. Elle évoque, un moment, son grand-père inventeur de l’horloge parlante à laquelle il donna sa voix et trouve, dans l’exemple de cette généalogie toute l’éthique du livre : « Je me suis toujours sentie très proche de cet homme qui disait exactement ce qu’il disait, et qui le disait tout haut. Pas question d’interprétation. Ni mensonge ni atermoiement. »

La Reine du silence
Marie Nimier
Gallimard
170 pages, 14,50

Mon père, ce fantôme Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°56 , septembre 2004.
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