Les voyages les plus formateurs ne sont-ils pas ceux qui déforment le plus ? Joseph Conrad et bien d’autres ont peuplé leurs récits de vertiges et de vacillements, montrant les ors et les affres générés par l’attrait de l’inconnu. Dans la même veine, Bernardo Carvalho, journaliste-écrivain, né à Rio de Janeiro en 1960 nous invite à une sorte de jeu de miroirs autour de trois récits. Le narrateur, diplomate brésilien à la retraite retrouve les cahiers d’un de ses collaborateurs, récemment assassiné. Un être rebelle, obtus, baptisé « l’Occidental », dont les écrits relatent la recherche d’un jeune photographe, perdu en Mongolie, surnommé, « l’Inadapté » par ses guides et qui n’a laissé lui-même que des carnets. Les récits se recoupent, ouvrent des pistes, révèlent une égale fascination pour les paysages désertiques, la vie nomade, l’histoire chaotique de la Mongolie. Leurs auteurs y deviennent des entités littéraires, à l’instar de celles démoniaques associées au bouddhisme et aux pratiques religieuses sexuelles qu’ils découvrent. Cette religion, très prisée des intelligentsias occidentales, y est ici décrite comme étonnamment barbare. Ce qui induit une dimension fantastique, qui peuplera cette quête de mirages, d’histoires, d’ombres gigantesques et fascinantes. Quant au narrateur, qui comme le lecteur a suivi ces récits du fond de sa chambre, il lui restera l’amère et mélancolique sensation d’être passé à côté d’humains remarquables sans avoir vraiment essayé de les comprendre de leur vivant. Un récit fantomatique et lancinant dans lequel « On ne voit que ce qu’on est prêt à voir. »
Mongolia de Bernardo Carvalho
Traduit du brésilien par Geneviève Leibrich
Métailié, 185 pages, 16 €
Domaine étranger Miroirs mongols
septembre 2004 | Le Matricule des Anges n°56
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Miroirs mongols
Par
Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°56
, septembre 2004.