Maria Soudaïeva est née en 1954 à Vladivostok. De père russe et de mère coréenne, elle a vécu en Corée, en Chine et au Vietnam. Souffrant très jeune de troubles psychologiques accompagnés de visions chaotiques, elle fut souvent hospitalisée. Antoine Volodine qui traduit son livre l’a rencontrée à Macau en 1991, alors qu’elle montait avec son frère un réseau pour sauver de la mafia les prostituées de Vladivostok. Difficile de ne pas voir en cet auteur quasi inconnu en Russie une héroïne romanesque, voire « post-exotique » (elle inspirera à Volodine la Gloria Vancouver de Port intérieur). Écrit en français et en russe, « dans une langue hybride à replacer dans cette attitude de déculturation volontaire et extrémiste », Slogans est un poème de résistance ultime à la barbarie humaine. Un triptyque apocalyptique où se déroule une guerre sans nom. Les humains y ont laissé place à des singes, loutres, insectes et oiseaux sur une terre dévastée d’Extrême-Orient. Seules demeurent des femmes, ou plutôt leurs ombres, « petites sœurs de l’automne », « orphelines nues », « nymphes des villes insoumises » auxquelles s’adressent ces trois fois 343 imprécations. Comme autant d’instructions capitales données aux dernières combattantes d’un monde exterminé. Dans les charges imprécatives de Maria Soudaïeva sourdent d’autres vociférations acharnées : celles d’Artaud et Sarah Kane, autres suicidés d’un monde avarié.
Un jour il fera nuit et « les mauvais jours finiront ». Pour Maria Soudaïeva le noir est fait. Elle s’est suicidée en février 2003. Nous reste d’elle cette épopée radicale au pays du chaos, livre des morts sidérant. Ultime injonction à demeurer éveillé : « si tu n’as plus de mains pour t’ouvrir, rendez-vous dans un autre rêve ! »
Slogans
Maria Soudaïeva
Éditions de l’Olivier
Traduit du russe
par Antoine Volodine
110 pages, 15 €
Poésie Feu et silence
octobre 2004 | Le Matricule des Anges n°57
| par
Catherine Dupérou
Un livre
Feu et silence
Par
Catherine Dupérou
Le Matricule des Anges n°57
, octobre 2004.