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Zoom L’artificier des Balkans

novembre 2004 | Le Matricule des Anges n°58 | par Dominique Aussenac

Sur tous les fronts, Maurice Audebert, 81 ans, aborde dans son premier roman la guerre en ex-Yougoslavie avec un humour picaresque.

Heureux qui comme Ulysse…

Décidément, il n’aime pas la campagne. « C’est le vrai désert, il n’y a que des arbres. Alors qu’est-ce qu’on peut faire quand on a que des arbres autour de soi ? » clame-t-il à la fenêtre de sa résidence secondaire, un superbe mas cévenol construit en 1750. La réponse fuse : « Écrire ». Écrire par peur du vide, par peur de la mort qui le paniquent. « Qu’écrire ce soit apprendre à continuer à vivre. Alors là tout à fait ! C’est Spinoza qui parlait de persévérer dans son être. On essaye de persévérer le plus longtemps possible. » Son livre Heureux qui comme Ulysse parle de la guerre, des horreurs de la guerre avec une vitalité, une virtuosité, un doux vertige qui effacerait presque la barbarie, introduirait la fantaisie jusqu’à permettre la tendresse entre un homme et un cochon. Sûr, Milivoye, le héros sexagénaire, ex-militaire, père de famille qui taquine pas mal la bouteille croyait avoir tout vu, tout connu. En trois jours, hors de Belgrade, en quête de ravitaillement, la folie du monde, la folie des hommes, lui prouveront que non.
Maurice Audebert a réussi ici le tour de force de combiner trois écritures : théâtrale, cinématographique et romanesque. Heureux qui comme Ulysse rappelle les meilleurs moments des films de Kusturica, Pentillé, les pièces de Tadeuz Kantor, certains romans slaves, africains ou latino-américains. Il transporte, fait virevolter, favorise l’envol du lecteur, offre des instants de transe où l’âme slave se trouve magnifiée ; il y est notamment question d’une somptueuse échappée belle, dans un corbillard volé. Étourdissant pied de nez à la mort. « Mentalement si nous nous retrouvions dans la situation dans laquelle s’est trouvée l’ex-Yougoslavie, et bien je ne suis pas certain que l’on ne s’égorgerait pas de la même manière. Regardez ce qui se passe avec les Corses, on ne sait où cela pourrait aller », explique sérieusement notre hôte. Il a toujours eu horreur des nationalismes, encore plus de ceux qui mêlent nationalisme et fanatisme religieux.
Décidément, il n’aime pas la province, sûr qu’il serait mieux dans son appartement parisien à deux pas de Beaubourg et de la Maison de la Poésie. Pourtant il est né à Tarbes, a fait ses études à Perpignan, préparé l’agrég’ de philo à Toulouse. Toujours la peur du vide, de l’ennui. Audebert a commencé à écrire pour le théâtre à 18 ans. Mais il fallait manger. Il entre dans l’enseignement où il fait carrière. « Le théâtre ça a été un à-côté. Je n’en faisais pas tout le temps, ça dépendait des moments, mais par contre j’écrivais. J’ai dû écrire quarante-cinq, cinquante pièces. » C’est à la retraite, en 1992 qu’il met en scène sa première pièce. « Je me suis dit mes pièces de peuvent pas toujours dormir dans un tiroir, il faut quand même en faire quelque chose. » Auparavant, il a travaillé avec Jacques Lassalle au Studio Théâtre de Vitry juste à côté de son lycée. Depuis, il monte deux pièces par an, plus des animations scolaires et du théâtre pour enfants. À une époque, il a aussi sculpté. De superbes créatures anthropomorphes et des tableaux avec des éclats de miroir. Il fut critique de théâtre et a monté une association culturelle Voyelles, en hommage au natif de Charleville. Pourquoi écrit-il ? « J’écris comme ça. Je n’ai pas d’explication à donner. Au théâtre on parle souvent d’énergie. Il y a une énergie qui me constitue, je ne sais pas si ça va durer pendant bien longtemps. J’ai écrit le roman lorsque j’avais 80 ans, il a été publié alors que j’en avais 81. Actuellement, j’en ai 81 et demi. » Fermez le ban.
De sa créativité, de sa vitalité, il avoue ne pas bien savoir d’où elle vient. La longévité, c’est génétique dans sa famille, à moins que tout cela ne soit dû à la cuisine bio de sa femme, une jolie dame aux yeux pétillants ou encore à la fréquentation des plus jeunes, au lycée, puis au théâtre. La philosophie, elle, ne lui aura surtout pas appris à mourir. Lorsqu’il revient sur son passé, il affirme ne pas regretter ne pas s’être engagé dans le communisme. Mais avoir eu du mal « à renoncer à l’idée qu’il y avait pour l’homme un avenir qui n’était peut-être pas un avenir radieux, mais plus ou moins acceptable. » S’il se montre satisfait du succès de son roman, remarqué parmi les six cent cinquante-huit qui ont participé à la rentrée littéraire, il est attristé de sa fâcherie avec l’inspiratrice du livre, la comédienne serbe Tatiana Kecojevic qui a pris ombrage de son succès. « L’âme slave je n’y croyais pas. J’ai rencontré cette comédienne, j’ai travaillé avec elle au théâtre. Je l’ai fréquentée pendant toute une période et j’ai vécu l’âme slave dans tous ses excès et dans tous les sens. Dans le sens du désespoir, dans le sens de l’exaltation, de la colère. C’est très spectaculaire. » Vertigineux comme Heureux qui comme Ulysse, la vitalité, le besoin de créer de Maurice Audebert. Le jeune auteur n’en finit pas d’étonner : il a encore deux romans sous le coude et présentera tous les jeudis de novembre dans une salle parisienne un monologue qu’il a lui-même écrit.

Heureux qui
comme Ulysse

Maurice Audebert
Buchet Chastel
192 pages, 13

L’artificier des Balkans Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°58 , novembre 2004.
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