La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Poches Fado du Mozambique

février 2005 | Le Matricule des Anges n°60 | par Dominique Aussenac

En irisant d’éclats de rire et de milliers de couleurs le dénuement du petit peuple, Mia Couto oscille entre gravité crépusculaire et chemin d’espérance.

Les Baleines de Quissico

Chaque homme est une île, chaque homme est une race. En fait « toute personne est à elle seule une humanité », affirme Mia Couto. Et ce « blanc de pierre » (expression qualifiant un blanc d’origine portugaise) s’y connaît en humanité et en inhumanité. Son pays, le Mozambique, dans lequel il naquit en 1955, mosaïque d’ethnies, d’émigrés, de réfugiés, devint un des principaux champs de massacre de la guerre froide. De la colonisation portugaise (il lutta pour l’indépendance), il reste la langue nationale. Une langue minoritaire qui surnage au milieu de quarante idiomes. Une langue que beaucoup au Mozambique accusent de mal retranscrire les émotions, les pensées, les imaginaires de ce pays. Pour écrire, Mia Couto, biologiste de formation, utilise le mozambicané, métabolise le parler de Pessoa, y intégrant néologismes, jeux de mots, carambolages d’expression, argots, pidgins, formulations poétiques, ce qui donne des expressions traduisibles par « énivrillante, tristéperdu, troublébété… »
Si cette écriture a pu dérouter par sa luxuriance, sa force poétique dans La Véranda du frangipanier, roman policier métaphysique, où un mort se réincarne en inspecteur de police, elle trouve dans Les Baleines de Quissico, recueil de vingt-deux nouvelles écrites entre 1987 et 1991, un fertile terreau pour s’exprimer. Divisé en trois parties, l’ouvrage donne la parole aux petites gens, aux plus déshérités luttant pour la survie, contre la faim, les éléments déchaînés, la folie, au milieu des idéologies et des croyances les plus archaïques et essayant de mourir dignes ou d’aller au plus près de leur rêve. Couto confiait en 1998 : « La réalité est irréelle. C’est nous qui inventons le sentiment de réalité. (…) Ce qui me plaît dans la réalité, c’est la part de notre conscience qui ne peut se référer ni à la réalité ni à l’irréalité, qui demeure à la frontière. » Ainsi vivants et morts se retrouvent mêlés dans une danse plus exubérante et cocasse que macabre avec toutefois un tempo mélancolique comme dans « L’histoire des réapparus » où deux prétendus noyés reviennent dans leur village où l’on refuse de les recevoir parce qu’on les considère morts. Eux-mêmes finissent par douter de leur propre existence. « J’ai la nostalgie d’être personne. » Des commissaires politiques marxistes statuent que les deux noyés sont bien vivants, tout en concluant : « Mais nous devons prévenir les deux réapparus qu’ils se gardent de réitérer ce départ du village ou de la vie. » Dans la nouvelle éponyme, deux histoires se croisent, pour quelle réalité ? Celle dans laquelle étincellent les escarbilles du rêve qui amène un adolescent affamé à tout quitter pour attendre des baleines qui portent dans leur ventre des trésors fabuleux ? Ou bien la réalité de la guerre qui affirme que les Sud-Africains alimentent la contre-guérilla en transportant des armes dans des sous-marins ?
Parmi ce chaos d’images, de faits violents, d’histoires extravagantes, Mia Couto, merveilleux conteur, se plaît à surligner les âmes et le caractère humain des êtres, leur fragilité, leurs doutes, obstination et mauvaise foi. Dans « Le Pêcheur aveugle », il raconte comment un personnage pris dans la tempête, s’arrache les yeux, qu’il met au bout de son hameçon pour survivre. Aveugle, il ne peut plus pêcher. Il interdit à sa femme de prendre la relève, jusqu’au moment où accablé par le sort, mais ne voulant pas revenir sur sa décision, il prétend que sa femme est une autre et l’autorise à aller en mer. Mais Mia Couto n’est pas seulement un très talentueux porteur de paroles fantasques et propagateur d’irréalité magique, il peut aussi vertement interpeller par lettre le plus puissant des hommes, George W. Bush et lui reprocher ses manières d’attardés mentaux en lui révélant que les peuples des petits pays pauvres comme le sien, ont eux « une arme de construction massive : la capacité de penser. »

Les Baleines
de Quissico

Mia Couto
Traduit du portugais
par Maryvonne
Lapouge-Pettorelli
10-18
245 pages, 7,30

Fado du Mozambique Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°60 , février 2005.