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Domaine français Hors-piste

avril 2005 | Le Matricule des Anges n°62 | par Eric Naulleau

Quand l’homme ne veut plus être un numéro. Quand l’homme ne veut plus faire son numéro. Quinzième livre d’Éric Faye.

Un clown s’est échappé du cirque

C’est une fable expresse, à peine vingt-cinq lignes, qui donne son titre à l’ensemble du recueil fructueuse chasse à l’homme au nez rouge avec hélicoptères, barrages routiers et fusils à seringue hypodermique ainsi conclue : « Les parents ont poussé un soupir ; leurs enfants allaient enfin cesser de regarder dehors et se mettre à leurs devoirs. Demain, en contrôle, ils auraient de bonnes notes. Et s’ils étaient sages le reste de la semaine, ils iraient au cirque le samedi. » Sous l’épais maquillage du fugitif en rupture de roulotte : l’individu moderne, tel qu’il apparaît dans sa précarité à l’auteur du Général Solitude. À la manière de leur discret démiurge, auquel le petit manège médiatique, même avec billet de faveur, donne depuis longtemps si mal au cœur qu’il passe chaque fois ou presque son tour, les personnages des quinze nouvelles ici rassemblées prennent volontiers la tangente d’un destin trop rectiligne qu’il s’agisse pour un politicien de battre en retraite au moment où les portes du pouvoir s’ouvrent toute grandes devant lui (« Le Candidat ») ou pour un janissaire futuriste de passer à l’ennemi (« Kompétitivnoïé »). C’est qu’il importe moins de décrocher la queue de Mickey, ou la timbale si on préfère, que de de cerner la part manquante d’une « existence millimétrée, dont chaque veille préparait soigneusement son lendemain et chaque lendemain son surlendemain. » Voilà ce que comprend, sans doute trop tard, le héros vieillissant de « Place de l’oubli » lorsque son fils s’ouvre d’une inquiétude qui ne lui est que trop familière : « Ma nouvelle vie me comble. Cependant, quand tout s’arrête, le week-end, ou le soir, au moment de m’endormir, c’est étrange. Je ne t’en parlerai pas si cela ne revenait pas aussi régulièrement. Je ne le peux le définir autrement que par la certitude d’avoir oublié quelque chose et de ne jamais pouvoir m’en souvenir (…). As-tu toi aussi, mon père, un jour… ? Le père secoua la tête. Il voulut ouvrir la bouche mais les mots s’arrêtèrent dans sa gorge. Il aurait tant aimé avertir son fils, mais de quoi ? »
Toujours aussi droit dans ses mythes (quel autre écrivain contemporain imaginerait une rencontre entre un double de Colin Powell et la pythie (« Le secrétaire d’État ») ?), toujours aussi fidèle à ses références majeures (Shakespeare, Homère…), Éric Faye poursuit sa réflexion sur une planète, la nôtre, qui ne tourne plus très rond. Parfois au sens littéral, comme dans « L’inobscurité », relation d’un inexorable recul de la nuit devant le jour : « Pour la première fois depuis la Création, les enfants n’auraient plus peur du noir. C’étaient pourtant d’étranges enfants qui naissaient, auxquels leurs grands-pères transmettaient des souvenirs de nuits étoilées. » Parmi les belles réussites d’un des rares représentants du fantastique à la française, il faut aussi signaler une version cocasse du quart d’heure de célébrité théorisé par Warhol (« Le destin de monsieur-tout-le-monde »), une variation très réussie sur le thème de l’androïde (« Les statues d’Aphrodite »), ainsi qu’un diptyque sur le thème de la littérature. Dans « Il pleut », l’éditeur du romancier Bernard Lannin ne peut s’empêcher d’exprimer une légère réserve au sujet du nouveau manuscrit de celui-ci, à savoir qu’ « il a déjà été écrit par un autre, mot pour mot » mais un plagiat peut en cacher un autre. Quant au narrateur de « Dernier voyage en Pandora », le spectacle de son voisin de bus occupé à lire un de ses livres lui inspire une réflexion plutôt inattendue : « Rien d’extraordinaire en soi si ce n’est que ce livre, je ne l’ai jamais écrit. Je n’ai pas eu la force de l’écrire. Longtemps je l’ai gardé en tête, dans mon bric-à-brac de projets mythiques, j’ai longtemps rêvé d’avoir le courage d’en venir à bout. » Dès lors, ce n’est plus pour lui le roman, mais le lecteur qui est à suivre.
Quinze tableaux pour un état des lieux du monde contemporain qui dessine un « atlas des regrets ».

Un clown s’est
échappé du cirque

Éric Faye
José Corti
216 pages, 16,50

Hors-piste Par Eric Naulleau
Le Matricule des Anges n°62 , avril 2005.