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Domaine étranger Étrange Monsieur Loyal

février 2006 | Le Matricule des Anges n°70 | par Dominique Aussenac

Au prix d’un exercice de haute voltige un peu déjanté, Brooke Stevens décrit une quête amoureuse et métaphysique dans le monde du cirque.

Film magnifique, Freaks l’annonçait d’une certaine manière : le cirque à mi-chemin entre le sauvage et le policé occupe dans l’imaginaire une place particulière. S’il convie le magique, le merveilleux, le vertigineux, il reflète aussi nos angoisses, nos petitesses, peut-être même notre monstruosité ? Nous aide-t-il vraiment à surmonter le réel ? Oui, car sa fonction est cathartique. Mais que serait un cirque sans public ou avec un seul spectateur qui deviendrait au fil des numéros de plus en plus fou ? Peut-être un scénario de roman de Brooke Stevens. Un roman qui détournerait les arcanes, les codes, inverserait réel et imaginaire et révélerait un monde caché. Un roman où le héros rechercherait à l’instar d’Orphée sa bien-aimée et au-delà le secret de la mort. Certains font les gros yeux et rétorquent : assez de ces torrents de magie et merveilleux qui déferlent sur la littérature et le cinéma contemporains, alliés objectifs de la consommation et du capitalisme sauvage ! Mais la noirceur et la violence qui baignent ce texte n’ont rien ni d’aguichant ni de rutilant. Les incessants rebondissements, la très prégnante identification au héros arrivent à perturber le lecteur, qui se met à douter de tout, surtout de sa propre santé mentale, de la consistance même de ce qu’il a l’habitude de nommer réalité et à laquelle il ne peut plus s’agripper. Cette déstabilisation l’incite à avaler les choses les plus extravagantes. C’est là que réside une grande partie du talent de Stevens : faire croire à l’impossible. Le récit prendra une dimension ésotérique, une ancienne religion réapparaîtra, celle du cirque des origines, garantie et labellisée par le pape lui-même. Si l’extravagance de certaines scènes ou affirmations peut rebuter les plus rationnels d’entre-nous, il n’empêche qu’au-delà des pouvoirs d’imagination de Brooke Stevens, l’énonciation du discours poétique et philosophique sur l’art, l’amour, la folie, la représentation s’avère d’une grande finesse.
Sur une île isolée, un couple se baigne. Alex l’instituteur, Iris la comédienne. Ils s’aiment. Un cirque donne une représentation. Sollicitée comme partenaire du magicien, Iris disparaît ou plutôt ne réapparaît plus de la malle dans laquelle on l’avait placée. Alex la recherche dans l’indifférence générale ou sous les moqueries puisque tout le monde prétend qu’il n’y a jamais eu de cirque sur l’île. Les mois passent, Alex ne renonce pas, accumule de minces indices, puis rencontre des gens ayant assisté à des manifestations étranges. Mais ceux-ci disparaissent à leur tour. Sur une autre île, un milliardaire a créé une société, curieux phalanstère qui vit en autarcie, basé sur le spectacle de cirque où les humains sont des artistes ou des… soldats. Alex y pénétrera, occupera toutes les fonctions. Prisonnier sadiquement torturé, il deviendra soldat ; pour échapper à ses geôliers, fera le clown, sera acrobate devenant un ange très vite déchu. Propulsé telle une balle de flipper dans un jeu de massacre aussi physique que spirituel, il se cognera à des personnages énigmatiques : magicien, contorsionniste, dresseur de fauves etc… qui peu à peu lui apprendront que vie et mort ne font qu’un, et qu’en ce qui le concerne le secret de la fin est intrinsèquement lié aux secrets de ses origines.
Circus est le premier roman de Brooke Stevens. Il en a depuis écrit deux autres, notamment Tattoo girl, un thriller publié chez le même éditeur, une course hallucinée dans la nuit noire de l’Amérique profonde où là encore il est bien difficile d’y voir clair entre le bien et le mal, le beau et le monstrueux. Et de plaider encore le droit à une part d’innocence pour chacun d’entre-nous. « Puis je me mis à y penser de cette manière : même s’il y a un Dieu, sa maxime doit être la suivante : Faites comme si je n’existais pas ! Vivez comme si je n’étais pas ! Vivez au nom de la Vie elle-même, faites des spectacles au nom des spectacles, jouez pour jouer. »

Circus
Brooke Stevens
Traduit de l’américain par Anne Mornet
Autrement
392 pages, 22

Étrange Monsieur Loyal Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°70 , février 2006.
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