Sorte de Buster Keaton involontaire, le professeur d’université Théodore Larue va pour se suicider lorsqu’un camion, le projetant au travers d’un pare-brise, le décapite. Son enterrement, le plus conventionnel qui soit, malgré l’irréligiosité du défunt, tourne à la bouffonnerie dès qu’il se redresse dans son cercueil. De cette résurrection vont découler mille péripéties. Tandis que les médias s’emparent de son cas, Théodore paraît avoir gagné en sagesse, puissance et amour. Le comble est atteint quand, après son enlèvement par la secte chrétienne de Big Daddy, les Services secrets l’emportent dans un laboratoire du Nouveau-Mexique. Vingt-sept enfants et autant de Jésus clonés balisent le parcours semé d’embûches de ce « héros » de l’Amérique. Diable ou prodige biologique ? En fait, on n’aboutit qu’à une démystification de la mort.
Entre le désert de la pensée et celui de la nature, les États-Unis sont ici la cible d’une satire échevelée, qui se veut décap(it)ante. Comment un pays aussi avancé peut-il abriter de tels errements religieux, de tels obscurantismes, de telles cupidités scientifiques et militaires ? Le rire permet, dit-on, une dénonciation aisée et non moins efficace. À moins que le grotesque qui se prend platement au sérieux finisse par la desservir… Car le récit de Percival Everett, à l’image d’une BD un peu convenue, enfonce les portes ouvertes des travers américains maintes fois vilipendés. Mais d’une telle satire, il ne faudrait pas, nous Européens, se sentir exclus. Ce « désert américain » n’est rien moins que le désert humain.
Désert américain de Percival Everett
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne-Laure Tissut, Actes Sud, 320 pages, 22 €
Domaine étranger Un mort bien en jambes
février 2006 | Le Matricule des Anges n°70
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Un mort bien en jambes
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°70
, février 2006.