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Histoire littéraire Werth l’irréductible

février 2006 | Le Matricule des Anges n°70 | par Philippe Savary

L’écrivain et journaliste, mort en 1955, à qui Saint-Ex dédia son Petit Prince, ne manquait pas de courage pour dénoncer les grands tourments du siècle dernier.

L' Insoumis, Léon Werth 1878-1955

Clavel soldat

Clavel chez les majors

La Maison blanche

Léon Werth avait mauvais caractère. Il était capable de poser une couleuvre sur sa table de travail pour décourager les importuns. Valéry Larbaud se souvient de ses « éreintements oraux » lors de leurs « parties de billard philosophiques » quand son ami s’emportait contre les impostures et la médiocrité de leur époque, contre les arrogants et les parvenus de tous poils. « Eh bien, emparez-vous du Pouvoir, et nous verrons ! », lâcha un jour Larbaud. Tous deux ont bien ri. Réfractaire, libertaire, Werth est de la race des indisciplinés, à l’esprit vif et peu soluble. « Vous êtes un homme seul et votre pensée, par la même, devient très difficile à définir », lui écrit en 1938 Denoël pour justifier le refus d’un manuscrit. Douze ans plus tôt, l’écrivain et journaliste avait fait scandale avec Cochinchine, texte vertement anticolonialiste. Werth était effectivement un solitaire, un franc-tireur, épris de justice et d’indépendance, qui portait l’indignation et la révolte à la boutonnière. Il apprit beaucoup auprès de Mirbeau, son maître, dont il garda, rapporte Romain Rolland, « l’ironie vengeresse, le mépris puissant, la saine misanthropie, et cette flamme de l’art dont la splendeur illumine le néant ». L’homme ne manquait pas non plus d’humour : quand il partit « faire la guerre au militarisme » en 1914, il se fera photographier en uniforme, accompagné d’un petit cheval en bois à bascule.
C’est donc le portrait de cet Insoumis que nous donne à lire la belle biographie de Gilles Heuré, accompagnée de rééditions et d’une nouveauté (Clavel chez les majors), à l’occasion du cinquantenaire de sa mort. On s’immerge dans l’histoire politique et littéraire de la première fois moitié du XXe siècle, vue par un témoin intransigeant. Il aimait les coups de griffe et la peinture, et la presse de gauche (Le Journal du peuple, L’Humanité, Monde, Europe…) accueillit avec fidélité cette plume libre et sans concession. Sympathisant bolchevik à l’origine, puis anti-stalinien (il soutiendra le dissident Victor Serge), Werth se méfiait des idéologies dont le fond de commerce est de « séduire les foules », menacées par l’aveuglement et l’obéissance. « Il en est des doctrines politiques comme des médicaments, écrit-il. Des thérapeutiques contraires aboutissent au même effet ».
C’est en 1913 que Werth publie son premier livre, La Maison blanche, où il explique comment il a « exploré gaiement la maladie », une otite transformée en abcès au cerveau, qui le maintiendra entre la vie et la mort. Ce texte ressourçant, pied de nez à la douleur, ratera de peu le Goncourt, tout comme Le Grand Meaulnes, cette année-là. Puis ça sera la Grande guerre, sa grande affaire. Clavel Soldat et Clavel chez les majors sont deux récits intimement liés par le même dégoût. Sans lyrisme, Werth raconte cette litanie des jours de boue et de fossés, sous la mitraille et le ciel bas, et le pire qui l’accompagne : la propagande, le mensonge, relayés par une presse pleine d’encre héroïque. Il découvre aussi la proximité de ses compagnons d’infortune, bêtes, lâches, vulgaires. Werth évoque son double : « Verney, aussi bien que Clavel, possédait la faculté si exceptionnelle de renifler l’odeur d’une âme », et d’ajouter : « Qui le possède éprouve bien-être ou malaise de la simple présence d’un être humain ». Car ce qui intéressera toujours Werth, ce sont les individus, les anonymes, la façon dont ils subissent l’Histoire, écrite par les puissants. L’écrivain a le don du détail qui navre. Chaque impression est prétexte à accrocher un signal d’alarme, une conviction. Qu’il évoque, dans 33 jours, l’exode de 1940 (« On croirait que la France est le pays du matelas »), qu’il consigne les années d’Occupation dans son journal, Déposition, ou qu’il rende compte de procès d’assises (Pétain, Petiot), Werth tord le cou aux mystifications. Finalement, il détestait ce que notre modernité magnifiait. C’est en ça que cette voix est précieuse.

L’Insoumis
Léon Werth
1878-1955

Gilles Heuré
332 pages, 20
Léon Werth
Clavel chez
les majors

283 pages, 18
Clavel soldat
376 pages, 10,55
La Maison blanche
174 pages, 7,50
Tous chez Viviane
Hamy

Werth l’irréductible Par Philippe Savary
Le Matricule des Anges n°70 , février 2006.
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