Mission impossible N°1
Ceux qui connurent Mission impossible, revue lancée en 2001 par le poète Christophe Fiat, sous sa forme initiale seront surpris. Voici un format album, 280 pages, qui évoque davantage le catalogue de mode que le livre. Loin de « l’esthétique cheap » de certaines revues de la mouvance expérimentale, ce bel ouvrage entend jouer la carte de la qualité éditoriale, jusqu’à son façonnage, pour ne pas trahir « les travaux visuels et plastiques qui nécessitent une qualité technique ».
La direction étant dorénavant assurée par Alexandra Baudelot, Christophe Fiat restant de l’aventure rédactionnelle, Mission impossible convoque ici des signatures venues d’horizons fort divers : écrivains, poètes performeurs, chorégraphes, philosophes, critiques d’art, plasticiens. Une manière, selon le duo, d’ « ouvrir des espaces de création », de « mettre en avant des langages artistiques qui peuvent se mouvoir d’une forme vers l’autre », en faisant résonner l’idée de performance « comme mode de translation d’un langage vers un autre, comme mode opératoire pour saisir de l’intérieur ce qui est actif dans la création contemporaine et à travers ses pratiques théoriques ».
Plaçant la fiction au centre de ce premier numéro, Baudelot et Fiat insistent d’emblée : « qu’elle soit littéraire, plastique chorégraphique ou philosophique, la fiction signe avant tout la nécessité d’énoncer dans les faits du langage et de la forme qu’elle adopte, ce qui constitue notre situation contemporaine : engagement, dégagement, résistance, jeu, pari, détournement, lutte ».
Elizabeth Creseveur suit en images et mots le « body sound » de Keiji Haïno. Jean-Michel Espitallier détourne des énoncés qui rappellent les remarques philosophiques de Wittgenstein. Christophe Fiat joue de l’Amérique rêvée de Joe Dassin. Bernard Heidsieck prend le par(t)i d’un « monde retrouvé » de la poésie. Michel Chion s’entretient sur la musique concrète. Véronique Pittolo, par de brèves notations, dégage le superflu quotidien. Alexandra Baudelot commente le travail chorégraphique d’Eszter Salamon et de Mathilde Monnier, passant de l’univers féminin du rock au « partage sexuel » comme « pure fiction ». Le collectif Superamas dispose comme un roman-photo l’étrange visitation d’une Catwoman fantasmatique. Jean-Hubert Gailliot assemble des extraits de ces romans comme une pièce inédite.
De John Giorno à Benjamine Dorno née en 1978, de Charles Bernstein à Félicia Atkinson qui s’inspire du mouvement lo-fi pour son écriture, le lecteur est invité à construire son propre parcours au sein d’un espace libérant des correspondances sans fin. Prévue comme semestrielle, la revue entend ouvrir plus encore ses pages, dès sa prochaine livraison, aux textes critiques ou théoriques. Une mission. Des possibles.
Mission impossible hiver/printemps 2006
Cloudbusters/CNEAI, 280 p., 29 €, www.revueMI.com