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Poches La fille de l’Ouest

mai 2006 | Le Matricule des Anges n°73 | par Franck Mannoni

Perdue dans l’immensité aride du Wyoming, Gretel Ehrlich confie sa rude vie de cow-girl, loin de tous les clichés sur l’Ouest sauvage. Envoûtant.

La Consolation des grands espaces

Après avoir connu un deuil, Gretel Ehrlich, scénariste à Hollywood, a décidé de s’installer dans le Wyoming. Pour les Américains, et peut-être pour le reste du monde, le Wyoming, c’est « un paysage lunaire, une région culturellement arriérée ». Pour l’auteur, c’est un monde merveilleux et l’espoir d’un nouveau départ : « Pour une fois, j’étais capable de me fixer quelque part sans alibi, sans nourrir de projet au service de mes ambitions. » Démarche désespérée toutefois, puisqu’il s’agit de noyer la douleur dans l’immensité de l’espace, de se blottir au creux d’une nature sauvage, en dehors de tout jugement, auprès d’hommes et de femmes durs à la tâche. Aux côtés des bergers et des cow-boys, elle apprend à s’occuper des troupeaux de moutons, à supporter la solitude dans des espaces glacés pendant des semaines. « Ce pays aride était une ardoise nette. Son absolue indifférence m’a rendu mon équilibre. » La citadine habituée au confort a remisé ses préjugés et ses a priori, aussi bien sur les gens que sur la vie en général. De ces taiseux, que d’aucuns qualifient de « cul terreux », elle comprend tout en peu de mots : « Une poignée de phrases implique une complexité de significations. » Dans cette nature que le regard embrasse jusqu’à l’infini, « le moindre geste se détache avec une précision presque douloureuse ». Économie de mots, de gestes, de paroles, de sentiments, tous les codes sociaux en vigueur dans la civilisation urbaine n’ont plus cours. Ils sont remplacés par un altruisme sincère et nécessaire. La vie tient à peu lors des hivers où le thermomètre ne monte pas au-dessus des -20°C pendant plusieurs semaines.
Dans ce livre de confidences, Gretel Ehrlich remise, du même coup, tous les clichés sur l’Ouest et le mythe du héros à la John Wayne. Les gens ici sont pauvres, travaillent d’arrache-pied pour presque rien, ne sont armés que pour zigouiller les serpents à sonnettes pendant les mois de sécheresse. La grande ville est quasi inexistante, mais les sites de « cinquante habitants – défunts compris » ne sont pas rares. Si une réelle tendresse se dégage des portraits établis au fil des rencontres, Gretel Ehrlich évite tout angélisme sur ses compagnons de travail et sur la nature qui l’entoure. « Les hommes se font ermites, les femmes perdent la raison, la claustrophobie mène au suicide, génère des rancunes, des vendettas familiales. » Pas toujours très futés, mais très débrouillards, les hommes cumulent parfois les erreurs dans un environnement qui n’en tolère aucune. Un vieux cow-boy à la jambe fracturée « choisit de se soigner lui-même avec un remède de bonne femme : un cataplasme de fumier bien frais tassé dans la botte. Il succomba à la gangrène la veille de son quatre-vingtième anniversaire. » Habitués aux immensités, les bergers ne supportent pas la solitude, mais pas plus de vivre en compagnie bien longtemps. Ils traînent avec eux de vieilles querelles qui remontent au temps des pionniers. À l’époque, les vachers réglaient leurs conflits de propriété avec les éleveurs de moutons à coups de revolver. Il est resté de cette période hors-la-loi une méfiance réciproque et des réactions viscérales. Rarement la vie de l’Ouest aura été décrite avec autant d’authenticité. En racontant son travail de deuil, Gretel Ehrlich a redonné sa dignité à l’Ouest américain. Ici, pas de légendes vivantes, pas de mythe à l’American way of life, la réussite à l’américaine, pas de sur-homme invincible : « Dans la nature, il n’y a ni récompense, ni châtiment, il n’y a que des conséquences. » Reste un mode de vie intemporel, qui n’est pas décrit pour faire rêver, mais simplement pour témoigner qu’il reste encore quelques niches que la mondialisation, le nivellement des cultures, n’a pas encore touchées, même aux États-Unis.
Franck Mannoni


La fille de l’Ouest Par Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°73 , mai 2006.
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