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Égarés, oubliés L’art selon Zervos

février 2007 | Le Matricule des Anges n°80 | par Éric Dussert

De l’amitié d’Ungaretti au catalogue des œuvres de Picasso, la vie du critique et éditeur Christian Zervos (1889-1970) compte autant de mots que d’images.

Avec Marcel Duchamp, on avait pris conscience du rôle de la céramique hygiénique dans l’histoire de l’art, mais on ignorait encore tout de l’influence des accidents de la circulation. C’est à Christian Zervos qu’on doit cette avancée.
Selon ses propres dires, Christian Zervos (Kristos Z. pour l’état-civil) était originaire d’une « île de fous », Céphalonie, dans la mer Ionienne. Il y était né le 1er janvier 1889 sur le territoire de la commune d’Argostoli, et semble n’avoir dès lors plus quitté le monde des esprits démesurés. Exception faite d’une enfance passée à Alexandrie puis à Marseille, villes de combien de merveilles, patrimoniales et quotidiennes, son arrivée à Paris en 1907 paraît l’étape la plus importante d’un parcours qui le conduira à devenir l’un des piliers de l’art au XXe siècle.
Installé rue de Lisbonne avec son frère et sa mère, Christian Zervos soutient d’abord une thèse à la Sorbonne en juillet 1918 relative au Philosophe néoplatonicien du XIe siècle, Michel Psellos, thèse publiée l’année suivante sans qu’on puisse aujourd’hui en lire une ligne. L’ouvrage ne fut pas diffusé et Zervos prit l’habitude de maintenir un silence de bon aloi sur sa propre biographie. Au point que l’on ignore après quel cheminement il aborde la maison d’édition d’art Albert Morancé. Plusieurs hypothèses : il aurait étudié l’histoire de l’art, et plus particulièrement la préhistoire et l’art byzantin ; il aurait parcouru l’Italie à pied ; peut-être tout cela à la fois. Il semble que durant ses études, il se serait lié d’amitié avec le poète italien Giuseppe Ungaretti qui loge dans le même Hôtel des Carmes que lui. Tout cela est passionnant mais bien maigre : durant ses années d’obscurité, il aurait aussi traduit des penseurs arabes descendants des néoplatoniciens, fait la lecture à un vieux monsieur de l’avenue du Bois et même corrigé des épreuves pour Anatole France…
Il ne reste pour s’accrocher cette année 1923 où il est employé par la maison Morancé au poste de secrétaire du directeur qui vient de lancer le trimestriel L’Art d’aujourd’hui, puis de directeur de publication du trimestriel Arts de la maison. Moins excitants sans doute, ses derniers le poussent à quitter le nid : en février 1926, il lance Les Cahiers d’art, une revue qui consumera désormais tout son temps, mais laissera en contrepartie une trace profonde dans la diffusion de l’art des cinquante années à venir.
Sa compagne Suzanne qui se marie en 1929 avec le peintre Ismaël de La Serna le seconde jusqu’en août 1927, date où elle doit entrer dans un sanatorium. Seul à la tête de ses Cahiers, Zervos connaît des difficultés et c’est à cause on hésite à écrire « grâce » d’une voiture qui le fauche alors qu’il descend d’un tramway en lui cassant les deux bras durant l’été 1926 qu’il s’en sort. Le jeune éditeur est opportunément sauvé de la faillite par l’octroi d’une indemnisation.
Rétif aux mondanités autant qu’il est resté discret sur sa vie, Christian Zervos ne facilite pas les choses à sa revue qui se heurte aux « institutionnels », ces éternels petits barons de « l’artisme » (M. Guet). Néanmoins, son sérieux et la qualité de ses reproductions l’inscrivent dès les années trente dans le milieu des marchands, des collectionneurs et des critiques, au point qu’il donne aux Cahiers une galerie-rédaction, 14 rue du Dragon, tout près de Saint-Germain-des-Près. Avec sa femme Yvonne il l’a épousée en 1932, il fait la promotion de Picasso, Mira, Braque, Matisse, Léger, les expose à partir de 1934 et les édite depuis 1926 jusqu’à 1960.
Paris est alors la plaque tournante de l’édition d’art, Zervos est parvenu au rang de pair des Tériade, Skira et consorts. Pendant cinquante ans, Les Cahiers d’art vont, non sans irrégularité, montrer l’avant-garde artistique, tout en réservant une part croissante de leur activité (et de leur trésorerie) à édifier une grande histoire de l’art de la préhistoire. Et tandis qu’Yvonne Zervos organise deux grandes expositions à Avignon en 1947 et 1970, Christian établit le catalogue raisonné de l’œuvre de Picasso. Vingt-deux volumes paraissent de son vivant entre 1938 et 1970, auxquels il faut ajouter 11 volumes postérieurs. Mais l’œuvre de Christian Zervos ne se résume pas à ce travail de titan. Ses écrits nombreux fourmillent dans Les Cahiers d’art, en premier lieu, et dans les monographies qu’il publie, mais aussi dans la presse artistique, riche avant-guerre, plus que florissante après. Du Gréco à Saul Bellow, de Leo Frobenius à André Breton, de Stephen Spender à Man Ray, les artistes et les écrivains qui ont intégré son catalogue sont ceux qui ont marqué ce temps, et la collection d’œuvres réunies par le couple, désormais présentée dans l’ancienne maison de Romain Rolland à Vézelay, lieu où le couple s’était installé dès les années 1930, paraît aujourd’hui une anthologie de l’art du siècle dernier : Henri Laurens, Picasso, Jean Hélion, Max Ernst, Alberto Giacometti, Vassily Kandinskv, Alexandre Calder, il semblerait qu’ils y sont tous. D’ailleurs, malgré son décès en 1970, Christian Zervos ne s’est pas éloigné de son trésor : l’infatigable entrepreneur d’éditions repose dans le vieux cimetière de Vézelay.

* Les Cahiers d’art Christian Derouet (dir.) Hazan, 288 pages, 69

L’art selon Zervos Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°80 , février 2007.
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