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Domaine français Les illusions perdues

avril 2007 | Le Matricule des Anges n°82 | par Anthony Dufraisse

Changement de cap pour Jérôme Lambert. Après l’autofiction, il fait ici le récit d’une vie sous le signe du désenchantement, avec une élégance teintée d’ironie.

Évoquant certains écrivains victoriens dont il s’est inspiré pour la rédaction de ce livre, Jérôme Lambert relevait chez eux une violence des sentiments derrière l’élégance du style. On pourrait tout à fait lui renvoyer la pareille : sous sa prose pudique, sous la désinvolture du ton, couve une violence sentimentale. Comparé à La Mémoire neuve, il a changé de registre. Lui qui a d’abord donné dans une veine autofictionnelle, a voulu raconter une histoire, tenter, cette fois, un récit à la victorienne sans pour autant verser dans le pastiche. Ce roman dès lors intéressera, autant et plus que les amateurs d’ambiance british, les curieux du cœur humain.
Finn Prescott est le nom du protagoniste, clin d’œil, on l’aura peut-être noté, à l’Anglaise Sylvia Plath et sa nouvelle Le jour où Mr Prescott est mort. Ici comme là tout commence par un enterrement. Les obsèques sont rarement romanesques, mais passé le recueillement, les langues, par intermittence secouées de sanglots, se délient. Attentif à ce qui se dit, le narrateur reconstitue pièce par pièce, tel un puzzle, la vie d’un défunt avec lequel il entretient un vague et lointain cousinage. Comme pour rattraper le retard d’une enfance amorphe et passive, Finn accumule dès sa majorité « les expériences comme autant de fragments vitaux et concrets qui forgent son caractère ». Que de rêves il nourrit alors : tantôt il se voit pianiste, tantôt se rêve écrivain. Happé à chaque fois par un profond désir d’être ceci ou cela, il consume son énergie affective. Il y a quelque chose en lui du héros romantique (jusqu’au cliché parfois, ce qui prête à sourire), qui fait le chemin du défi à la défaite. Car l’exaltation et l’emballement passés, c’est l’échec à tout coup ; ou plutôt qu’échec, abandon. Par manque de constance, à moins que ce ne fût de confiance, jamais il ne va pas au bout, retenu, arrêté dans son mouvement. Nul doute que cet inaccomplissement entre en grand part dans le regard désabusé qu’il jette sur son passé, retrouvant par hasard un ancien camarade de fac de médecine (car entre-temps il est devenu toubib dans sa ville natale). « Dans le tremblement des âmes » que sont parfois les retrouvailles improvisées, il fait un bilan qui s’apparente à un deuil : de sa jeunesse, de ses idéaux, de ses rêves. Dans un dialogue tout en non-dits et frémissement, il passe en revue ceux de ces manquements et de ces ratages les plus manifestes. Que de vocations avortées, auxquelles il faut ajouter la hantise informulée (bourgeoise ?) de n’avoir oser jouer le tout pour le tout. Or il est de désirs qui pour éclore ne souffrent pas d’être tièdes. Tous, confie Prescott, « nous sommes confrontés aux mêmes impasses : l’effort ou le confort ». Lui a cédé au second. Son existence, c’est le choix d’une certaine médiocrité dans la réussite, une médiocrité existentielle que la réussite matérielle rend moins amère. La déception a beau être partout présente, ce récit n’est pas sombre, sans doute parce que la lucidité de Finn éclaire toute chose. Moins de désespoir que de dérision, le personnage solde sa vie dans une poignée de main fraternelle. « Je suis un triste sire », conclut-il à la fin. Plus fondamentalement, on se rend compte que ce Prescott appartient à cette catégorie de personnages, mélange de Bovary et de Dalloway, dont la vie est surtout faite de rêverie, de projection et d’investissement psychologique. Dans ce récit rythmé n’entre pas plus d’apitoiement que de nombrilisme larmoyant. S’y devine cette violence qui n’est pas moindre d’être voilée et diffuse. La plume reste digne, délicate, d’une élégance souvent teintée d’ironie, où se devine la bienveillance compréhensive de l’écrivain pour son héros.
On a immédiatement, au sujet de Lambert, parlé de Jane Austen. C’est vite dit. Que l’auteur se méfie des mots de liaison qui polluent par endroits sa prose, qu’il densifie certains passages au lieu de pratiquer les sauts temporels et les ellipses (le livre eût gagné à être plus épais), et ce talent dont il fait montre sera plus prenant encore, plus convaincant.

Finn Prescott
JérÔme Lambert
Éditions de l’Olivier
191 pages, 16

Les illusions perdues Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°82 , avril 2007.
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