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Domaine français Émois précoces

juillet 2007 | Le Matricule des Anges n°85 | par Lucie Clair

Avec ce roman d’une enfance initiée à la volupté, Guy Goffette déshabille la langue, amante familière vêtue de guipures, tendrement.

Une enfance lingère

Cela commence par une remarque paternelle, une de ses expressions triviales « plus usées que la pierre des chemins ou, comme de vieux souliers, tellement déformés que leur sens premier ne pouvait plus y glisser les pieds », formule assénée en ritournelle qui plonge l’enfant dans un frisson de perplexité « le cul dans la soie. L’association de ces deux mots, déjà si choquante à mon oreille, ne laissait pas d’intriguer le petit amoureux des mots que j’étais. Il y avait aussi là-dedans quelque chose d’incongru, entre honte et volupté, qui me mettait mal à l’aise ». L’aventure du jeune Simon s’ouvre sur l’usage du mot interdit accolé à ce mot inconnu, et de ce verdict caustique, teinté de reproche, émergent au fil des âges d’autres espaces de langage déployant leur territoire de charme et de terreur enfantine. Une enfance lingère est ce parcours d’un mot à l’autre, d’une expression mal comprise à son dévoilement par une pièce de lingerie qui l’amène près de la chair des femmes, sans qu’il l’ait bien voulu ni prévu. Chemin initiatique du jeune Simon, alter ego de Guy Goffette, pris dans le tourbillon d’une soif d’amour, de câlin, de tendresse, que les objets cachés derrière les mots ambigus assouvissent, à la plus grande surprise de l’intéressé de la « bonneterie » de l’oncle Paul, prise pour une fabrique des bonnets honnis jusqu’à ce qu’une boîte de bas rétablisse la réalité, à la découverte du corset maternel cachant des baleines mythiques : « C’est au jardin, sur une corde à linge, et derrière le rideau de draps qui masquaient au voisinage la lingerie intime de la famille, que je vis la chose baleinière. Une espèce d’animal rose et plat avec quatre tentacules à pince métallique qui pendaient, tout un emmêlement suspect de ficelles sur l’arrière et deux sacoches à l’avant où mon père aurait pu confortablement loger ses poings de bûcheron. »
Les quiproquos, drôles, charmants, touchants, frais et léger comme une gaze dentelée, libèrent à l’enfant des horizons de volupté parfois trop violents brutales ruptures dans la connaissance, croyances acquises revisitées. Car enfin « les baleines étaient bleues et dodues, elles nageaient dans la mer et sur les vitres de la classe et lançaient de temps à autre un jet d’eau en l’air en sifflant comme des locomotives » et rien dans ce corset ne leur correspond.
Volupté abordée par les mots qui se couchent dans la bouche et y explosent, s’infiltrent dans le cerveau et le remue, et le crissement de certaines sonorités au sens mystérieux ouvrent la conquête des secrets d’adultes l’exploration de la langue offre celle du grain de la peau, le toucher d’une cuisse sur la joue, la vue d’une culotte bordée de dentelle pour la révélation jubilatoire sous les jupes d’une nonne que « l’enfer est un paradis ». Chez Goffette, le verbe se fait chair et la chair à son tour se fait verbe, inscrit dans ces images crues et douces à la fois auxquelles sa « vie doit le tour qu’elle a pris plus tard, cette façon cavaleuse, émerveillée, attendrie de rôder sans fin dans la sphère des femmes ». Dans un basculement d’âme en rappel de ces instants de grand dérangement, le récit se déroule au fil des passages du « je » au « il », rapprochement, éloignement, appropriation de ses souvenirs et de son être. Le va-et-vient de la mémoire de l’adulte accompagne celui des émois de l’enfant, et de ses éclats. Un roman qui se construit comme un ouvrage à la navette que l’on nomme aussi de Frivolité en un enlacement tendre et burlesque, où le rire est pair des sanglots et serrements de cœur entre chagrin et peur de la cruauté. Car dans l’univers de Simon, les femmes sont redoutables et entreprenantes, froides et frustrantes, ou lourdes matrones, ou créatures toutes en jambes, rêves inaccessibles cachés par le rideau d’un confessionnal toujours un peu trop loin ou un peu trop près de l’enfant sensible et timide, curieux et vite bouleversé. Jamais exactement où il pourrait les rencontrer quand leur lingerie offre en invite, libre et légère, la perte de l’ignorance et avec elle, celle de l’innocence. Sans pour autant qu’elle ne mette fin à l’attente.

Une enfance lingère
Guy Goffette
Folio
171 pages, 5,10

Émois précoces Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°85 , juillet 2007.
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