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Poésie S’accrocher

juillet 2007 | Le Matricule des Anges n°85 | par Marta Krol

Entre « relier », « lierre » et « relire », c’est toujours le même enjeu que vise la poésie d’Eugène Guillevic : surmonter une altérité radicale.

Relier : poèmes 1938-1996

Possibles futurs

Dix ans après la disparition de l’auteur à l’âge de 90 ans, cette édition substantielle de l’œuvre, munie d’une bibliographie critique, est due à sa femme, Lucie Guillevic-Albertini. Le livre est opulent et tant mieux : on y puise sans l’épuiser, on y goûte longuement, à travers les couches du temps qui l’organisent. La poésie n’est pas le but de la démarche de Guillevic ; elle est son moyen d’être au monde, elle articule la manière qu’a le poète de faire partie de l’univers sans l’excéder, sans s’en absenter, sans s’en démarquer. Car la situation de l’écrivain plongé dans un espace peuplé d’objets ne va pas de soi, et il la faut rendre intelligible.
Un fantasme de fusion quasi parménidienne donne clairement le la. De son propre corps et de ceux qui l’entourent, Guillevic déploie des visions où différentes figures de mélange, d’union, d’enveloppement sinon d’épousailles s’essaient, toujours dans le désir de se loger dans l’autre, de l’habiter, de l’envelopper, de s’y fondre, afin de triompher d’un solipsisme « de soi en soi ». En un geste poétique mais aussi philosophique d’une tradition déjà ancienne, il travaille à effacer la hiérarchie entre les êtres, en consolidant vers par vers la vision d’un monde en harmonie, où toutes les choses participent d’une même dynamique amoureuse. Devenir l’eau, l’oiseau, la rose ; « Etre couché/ Aussi fort que ces pierres/ Sur la terre » ; laisser la plaine, la lumière, devenir soi, pour finalement « Etre soi-même/ Qui se fond dans les autres/ Sans s’oublier ». Certes, une « ivresse d’exister » est ici à l’œuvre. Mais il y a plus : la volonté de penser ce qui existe. Le projet de Guillevic n’est pas narcissique, ni lyrique, ni même esthétique. Il est, comme cela arrive quelquefois aux poètes, philosophique : penser la manière dont les choses sont, en maniant les catégories d’espace, de temps, de mouvement. Celle du vide aussi, intrigante : « Roulaient des pierres/ Au long des ravins,// Dans un espace/ Peut-être inemployé ». Il recherche obstinément l’expression d’une pensée précise pour transcrire en langage ce qui s’étend dans l’espace-temps, pour s’emparer du corps d’un « corps pomme », d’un « corps femme », dans sa pesanteur, sa densité, son énergie propres au moyen de mots.
La forme préférée de cette écriture est la méditation autour d’un objet simple. Tantôt plus brève qu’un haïku « Brin d’herbe :/ Tu es toi-même/ une cathédrale », tantôt relevant d’une performance, comme « Le matin » de 66 quatrains vierges de tout superflu. Ou encore « Les racines », texte important sur l’objet fétiche du poète, symbole de sa traversée du temps : « Nous,/ Les racines/ D’un moment de plus tard », et idéal même de vie : « Je ne demande qu’à entrer,/ A vivre comme vous,/ A me vivre racine ». Et on ne peut que poursuivre la citation, la suite devenant essentielle à tous les égards : « Pour cela,/ Je suis prêt à tout./ Sauf à me taire,/ Sauf à vous vivre sans le dire./ Vivre sans dire/ Ce n’est pas vivre./ Je ne vis/ Que ce que je dis/ A ma façon ».
Ce à quoi le poète (né à Carnac) aspire ressemble nécessairement à ce qu’il met en place. Simplicité, sobriété et épure s’incarnent dans le langage, dessinant une pure structure aérienne, et dans ce qu’il véhicule comme choix systématique du peu : petite taille : « Je n’opte jamais/ Pour l’immensité », peu de chose : « Une seule chose parfois/ Peut suffire », peu de bruit : « Je fore/ Dans le silence », peu d’accident « Tu vois, plaine ». Petitesse, unicité, silence, planarité, sont les valeurs résolument défendues contre l’immensité, la multitude, le bruit ou la discontinuité. Si bien que la matière minérale de la pierre ou du galet, inerte, muette et close, en parvient à s’imposer dans un acte de perception poétique comme « la passion de durer ». Austère, Guillevic ? Triste ? C’est qu’il a la passion de l’essentiel. Laquelle comprend, dans tous les sens du terme, non seulement le galet mais aussi, par exemple, l’amour, tel qu’on le fait avec sa bien-aimée, ou tel qu’on l’éprouve. Dans cette œuvre, ni posture ni esbroufe : rien que le désir, le travail, et la présence.

Guillevic
Relier
Poèmes 1938-1996
Gallimard
804 pages, 29
Possibles
futurs

Poésie/Gallimard
193 pages, 6

S’accrocher Par Marta Krol
Le Matricule des Anges n°85 , juillet 2007.
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