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Zoom Le théâtre de la parole

juillet 2007 | Le Matricule des Anges n°85 | par Thierry Guichard

L’Acte inconnu, nouvel opus de Valère Novarina, fait l’ouverture du Festival d’Avignon. La pièce, créée le 7 juillet, convoque tous les genres de la scène pour donner à entendre la fin de l’humanité.

L' Acte inconnu

C’est immanquable. Lire, même à voix muette, les pièces de Valère Novarina, c’est se projeter des images. Des images invisibles pour les yeux. C’est s’ouvrir des espaces où s’entrechoquent les surprises, les rires, les interrogations, une déferlante de sensations qui vont vite, disparaissent, reviennent. C’est entrer dans la matière sonore de mots qui sont parfois des néologismes, des accidentés du lexique, des survivants du dialecte. Des rythmes, entre procès et prières, vindictes et supplications, font surgir aussitôt des figures, des silhouettes, un parler ancien à quoi se mêle un carnaval de paroles. La langue est performative. Elle fait germer quoi à l’intérieur de nous ?
Peut-être nous rend-elle idiots, c’est-à-dire au plus près de la matière qui nous constitue. Ici, c’est du vide dont on est fait, vers quoi on va, d’où l’on renaîtra peut-être. Un vide qui appelle le nom de Dieu autant que l’alphabet.
Ici, c’est-à-dire dans L’Acte inconnu que publient les éditions P.O.L à l’occasion de sa création au Palais des papes, le 7 juillet prochain en ouverture du Festival d’Avignon. On retrouve sans surprise une onomastique novarinienne : les personnages (les figures ?) ont des noms étranges. Parmi eux, Le Bonhomme Nihil, Irma Grammatica, Raymond de la Matière, La Dame de Pique, L’Homme de Un, La Femme Spirale, La Machine à Dire Beaucoup s’avancent et alternent monologues, altercations, prières, babil. L’univers de Valère Novarina se déploie donc une nouvelle fois dans une exubérance de la parole, une variété cosmogonique des tons. L’homme, rappelé sans cesse à sa condition de mortel, convoqué souvent comme mourant jamais mort ou vivant vide à l’intérieur de son propre corps, n’a guère que sa parole pour exister. La première partie de la pièce, « L’Ordre rythmique » ressemble au procès, après extinction de la race humaine, de la « déshumanité ». Les peuples se sont entretués, déchirés, exterminés. L’Ambulancier Santon passe sur le champ de ruines : « Que reste-t-il de l’homme une fois que nous l’avons prononcé ? Un soupir sur sa bouche. » À quoi le Bonhomme Nihil répond par une prière : « Mon Dieu, prie pour moi : que je me redresse de mes os et aille boire toute vive la vie ! Désenfouis-moi de la terre et que j’m’en sorte ! Voici mes cendres, buvez et mangez ! » Jean de la Fontaine est convoqué sous forme de citations détournées, mais on pense immanquablement à Rabelais (notamment pour le repas final) et à Shakespeare (pour le souffle).
Les peuples élisent leurs terres dont ils excluent tout étranger. Cela, dit de manière comique, dans la dérision absurde des guerres civiles : « Ayant trompé la surveillance des observateurs belges, ils font de Saint-Herblain leur capitale et interdisent aux habitants de Loudéac de s’y réunir en congrès. » Avec, notamment, La Machine à Dire Beaucoup qui ressemble à un poste de radio branché sur France Info en mode déjanté, Valère Novarina glisse quelques allusions à l’actualité : « Exilons. (Dit le Danseur Bocardy) Voici de l’inscription exit à tatouer sur notre front. » Plus loin, un mitraillage de slogans politiques ravive une campagne électorale exposée à la lumière de la farce. Le Candidat Céladon ne craint pas la tautologie : « Avoir foi dans la confiance ! Prévoir un projet ! » dans un lyrisme d’opérette où s’engouffre Le Candidat Fuchsia : « Notre futur est votre avenir. Donnez-nous votre présent. Votre argent m’intéresse. » Plus loin, c’est sur la psychanalyse que Novarina passe le révélateur farcesque. On en rit un temps bref : la pièce ne cesse de rebondir ou chuter dans les profondeurs (« Je marche ici que la prière n’est plus rien d’autre que le mouvement de descendre tout vers le sol »). Les acteurs sont appelés de leur vrai nom parfois (Jean-Yves Michaux, Dominique Pinon), le théâtre s’offrant le luxe de représenter le monde et lui-même, dans un même mouvement pourtant contradictoire. Ce va-et-vient permanent, entre réel et imaginaire, bas et haut, mort et renaissance, théâtre et monde est porté par cette énergie du langage. Le docte Raymond La Matière donne une clé : « Le langage est à la fois, dans notre bouche comme dans notre pensée, l’étincelle témoin qui reste de la divine énergie et aussi une hormone, une simple hormone, que nous sécrétons, au jour le jour, pour modifier nos comportements. »
Chaque parole humaine est un acte et L’Acte inconnu s’achève au moment où l’humain a disparu de la planète. Reste cette langue que Novarina troue de fulgurances : « L’Homme est un alphabet capturé vivant. » Vivant, son théâtre l’est d’une façon organique. Et sans concessions.

L’Acte inconnu
ValÈre Novarina
P.O.L
180 pages, 14

Le théâtre de la parole Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°85 , juillet 2007.
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