Un recueil de trois textes, « Transits », « Après (quelques dates) » déjà paru en revue, et « Elles cherchent », dont l’unité réside dans le genre qu’ils mettent en œuvre : le journal poétique. Genre périlleux s’il en est, l’exercice du poète comme celui du diariste étant grandement exposé au risque de la complaisance narcissique. Ici, à 35 ans, l’écrivain travaille sur la terre meuble du présent le plus immédiat, mais aussi ose des incursions dans un passé plein de douleur, en parvenant le plus souvent à échapper à un vain naturalisme que nous prodiguent par ailleurs tous supports et médias actuellement en vogue. Sarah Kéryna cultive l’art de la surface. Sur un ton distant mais jamais blasé, s’astreignant à la pudeur et à la retenue, elle produit de courtes phrases dépouillées à l’extrême qui rebondissent comme des balles contre la matière du vécu, en ignorant ostensiblement la profondeur. Elle annule, techniquement, la différence entre le tragique : « La boule fichée sous ma peau./ Comment a-t-elle fait pour pousser ainsi sans/ que le je sache ? » et l’insignifiant : « Par ma fenêtre,/ le mimosa d’hiver est jaune vif,/ électrique ». Si profondeur il y a, le verbe ne l’explique pas mais plutôt la montre, la figure, en quelque sorte l’engendre par effet indirect des formes linguistiques alignées. En vain on y chercherait des mots tels que vertige, absurde ou finitude ; au lieu de manier les concepts, l’écrivain tend à faire éprouver les réalités qu’ils recouvrent. Elle sait user de la ritournelle, tel souffle rythmique mais angoissé, et de la citation. Et parvient à déranger les spectres refoulés derrière la mécanique huilée de notre quotidien.
Rappel de Sarah Kéryna
Le Bleu du ciel, 61 pages, 10 €
Poésie Ritournelle métaphysique
octobre 2007 | Le Matricule des Anges n°87
| par
Marta Krol
Un livre
Ritournelle métaphysique
Par
Marta Krol
Le Matricule des Anges n°87
, octobre 2007.