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Dossier Rick Bass
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novembre 2007 | Le Matricule des Anges n°88 | par Thierry Guichard

Géologue et chasseur, l’Américain Rick Bass n’a eu de cesse de traquer dans le paysage une vie plus ancienne que l’humanité même. Cette quête marque toute son œuvre où la nature originelle est le plus court chemin pour toucher le cœur des hommes. Quand écrire le paysage est un combat pour le sauver.

On avait passé un deal avec lui. Une entrevue de plusieurs heures en échange d’une balade en voiture hors de la ville. Histoire de voir des paysages, de sentir le vent. On lui avait promis la Méditerranée, un petit massif de calcaire qui tombe dans la mer. On avait évoqué un cimetière marin, des caves viticoles. On n’avait pas dit que cela nous ferait manquer le match de rugby entre la France et la Nouvelle-Zélande. L’écrivain américain avait répondu que ça semblait un bon plan. Qu’Elizabeth, sa femme, tout comme lui, aimait le vin, blanc ou rouge. Que ça semblait chouette comme projet.
Rick Bass avait atterri à Toulouse trois jours plus tôt. Invité à un colloque à l’Université organisé par l’équipe de recherche « Cultures Anglo-Saxonnes » de Toulouse-Le Mirail sur le thème « La Montagne. Entre image et langage dans les territoires anglophones : paysages écrits et paysages déchirés. »
L’écrivain y avait tenu sa conférence sur « Landscape and imagination », un sujet qu’il développe aussi dans Winter et dans Le Livre de Yaak. Comment évolue-t-on sous l’influence d’un paysage ? Comment son œuvre est née des paysages du Mississippi puis du Montana où elle a trouvé sa force d’imagination. Le paysage, chez Bass, nourrit les hommes. Il leur donne plus qu’un décor, une âme, des sentiments, des émotions. L’écrivain posait déjà cette question dans Colter, le livre récit autour d’un de ses chiens : « Dans un paysage, qu’est-ce qui touche notre cœur, détermine nos émotions et conditionne éventuellement nos actions ? » (p. 24) Et plus loin encore : « Le paysage, c’est comme le quarante-septième chromosome - c’est comme si ici j’avais une nouvelle identité. » (p. 137). C’est vrai qu’on aurait aimé aller voir Rick Bass dans sa vallée du Yaak dont nous parle son dernier livre traduit en français. Mettre le cap sur ce Montana qui nous offre depuis pas mal d’années des plumes gaillardes et sensibles, de Jim Harrison (qui vit aujourd’hui dans le Michigan) à Richard Brautigan (qui aura habité Paradise Valley) en passant par Norman Maclean (et sa ville de Missoula). C’est un voyage auquel on pensait depuis 1996 et la parution, chez Christian Bourgois de quatre livres, quatre purs diamants : un récit autobiographique, Oil Notes, et trois recueils de nouvelles brillantes comme des cristaux de neige au soleil, Le Guet, Dans les monts Loyauté, et surtout (voir pages 18-19) Platte River que l’éditeur vient de rééditer dans sa collection de poche.
Mais voilà, l’occasion était belle. À l’hôtel Terminus où le couple était descendu, sur les écrans de télévision, l’Angleterre menait la vie dure à l’Australie. La capitale de l’Ovalie attendait le soir et la nuit pour enterrer, pensait-on, le quinze tricolore et son sélectionneur. Rick Bass est descendu, impeccable chemise blanche, lunettes cerclées, plus proche dans son apparence d’un intellectuel que du bûcheron qu’on aurait pu imaginer. L’homme sourit doucement, il jette un œil au match de rugby, évoque...

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