Perdus Trouvés : anthologie de littérature oubliée
On se glisse à l’intérieur de ce livre comme on pénétrerait à l’intérieur d’un sanctuaire : discrètement, en silence, histoire de ne pas troubler la quiétude du lieu. Avec d’autant plus de dévotion ici que l’on se sent privilégié, convié à retrouver quelques-uns des « Soleils noirs » de la littérature (c’est ainsi que l’on désigne les écrivains maudits, et tous ceux que le poids de l’actualité a propulsés, d’une simple pichenette, dans les oubliettes de l’Histoire). À l’exception de Jean-Marc Aubert (encore bien vivant), tous ces écrivains ont en commun d’avoir vécu quelques heures de gloire, avant d’être brusquement éclipsés. Chacun démontre qu’il ne suffit pas de briller au présent pour passer à la postérité : comment se peut-il, par exemple, que Sherwood Anderson soit désormais oublié, lui qui contribua aux vocations de Faulkner et d’Hemingway ? Par quel funeste hasard Hans Fallada en est-il venu à s’effacer des mémoires, lui dont le roman Quoi de neuf, petit homme fut réimprimé quarante-cinq fois l’année de sa parution ? Que s’est-il passé pour Hanns Heinz Ewers qui, en 1914, était l’auteur allemand le plus traduit au monde ? Et pour Paul Scheerbart, naguère encensé par Walter Benjamin, pour Gaston de Pawlowski, dont les Inventions nouvelles et dernières nouveautés hantaient la table de chevet de Marcel Duchamp, ou pour Robert Crégut qui avait su séduire Sartre, Breton et Péret ?… Cette anthologie ne propose aucun élément de réponse, mais elle donne à lire, et c’est là toute sa valeur, une vingtaine de textes narratifs (de 4 à 40 pages) qui méritaient d’être exhumés. En espérant que cette défense et illustration soit, pour chaque auteur, un premier pas vers la résurrection. (Perdus/Trouvés, anthologie de littérature oubliée, Monsieur Toussaint Louverture, 544 p., 25 €) D.G.