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Poésie Travailler figure

février 2008 | Le Matricule des Anges n°90 | par Emmanuel Laugier

Poète, philosophe, traducteur, penseur de ces trois activités, Michel Deguy travaille depuis cinquante ans à densifier le fait poétique et ce qu’il permet d’habiter.La preuve en trois livres.

Réouverture après travaux

Michel Deguy, L’Allégresse pensive

Depuis ses premiers livres, Fragments du cadastre et Poèmes de la presqu’île (1960 et 61, chez Gallimard dans la collection « Le Chemin » de Georges Lambrichs), Michel Deguy n’a cessé de garder, à 77 ans, une énergie hors du commun, celle d’une jeunesse scripturaire dont sa bibliographie complète donne une juste idée. Aux soixante ouvrages, se divisant en livres de poèmes, essais, proses mêlées, etc., s’ajoutent trois nouveaux titres. Le formidable Réouverture après travaux est constitué de 45 petits essais, dont la vivacité peut être leur dénominateur commun, à l’exemple de l’essai introductif « Bruit de balai dans la prose » où le caractère le plus décisif d’un poème, écrit Deguy, son « ultime trait, le noyau dur, l’invariant, (…) est-il la brièveté : le citable, le remémorable, la flèche aphoristique inventant la cible. » Mais à la brièveté, au rapt, se superpose, comme son anticorps, « la périphrase ; la périparaphrase. Donc le ralenti dans l’accéléré, le frein de l’éclair ». Deguy maintient cette hésitation (elle forme sa poétique) entre vers et prose, elle sera alors un éther, un débordement, un supens dans la syncope où la pensée vient. Ailleurs, s’adressant à Jacques Dupin, « le sublime moderne » rejoint ce que doit imbriquer, saturer, contenir le poème, car il « consiste en l’expérience du freiner la chute, du remonter la redescente, de la lumière qui éclaire en retombant ». Fusées encore baudelairiennes où se joue le fabuleux don crypté du poème. Le dialogue, en lettres détournées, se poursuit dans le Grand cahier Michel Deguy : il rassemble presque dix ans d’interventions, sur les poètes (Bonnefoy, Haroldo, Kosovoï…), les philosophes (Berman, Derrida, Lyotard, Granel…), suivies d’études de Jean-Luc Nancy, Claude Mouchard, Yves Charnet… et de son premier livre (Les Meurtrières, 1959).
Le troisième opus, Michel Deguy, l’allégresse pensive (Colloque de Cerisy) offre quant à lui un vaste et dense chantier des implications de cette œuvre avec ses propres motifs (figuration, monde sensible, intellection, érotisme, mondialisation) ainsi que les champs divers qu’elle traverse (phénoménologie, traduction photographie, foi, judaïsme, athéisme, etc). Michel Collot éclaire bien le rôle de passeur de Michel Deguy lorsqu’il fait de son « ouverture à de multiples horizons » le témoignage « d’un goût du déplacement qui se manifeste aussi bien dans le parcours du paysage et de la planète, dans l’élaboration d’une géopolitique, que dans (son) écriture même, qui cultive le télescopage des styles et des lexiques, l’espacement de la syntaxe et le rapprochement à distance des termes de la métaphore ou de la comparaison ». La prolixité de Deguy, comme interne à la vitesse du poème ou de la pensée, est ainsi liée au nombre d’activités intellectuelles qu’il mena.
Agrégé de philosophie à 30 ans (il l’enseignera à Vincennes-Paris VIII), ami de Marcel Arland et de Jean Beauffret (qui l’introduit à la pensée de Heidegger), il collabore à la NRF dès 1965, puis la même année fait son entrée au comité de lecture de Gallimard, d’où il sera exclu en 1986 (cette expérience lui fera écrire Le Comité, confession d’un lecteur de grande maison). Traducteur de Heidegger et de Celan, il fonde également en 77 la revue Po&sie, et édite avec Jacques Roubaud une anthologie de poésie américaine. Toute cette matière fait du poème la poche perméable des panoramas qui constituent la traversée de l’existence, des espaces, des villes, des pensées et de la bibliothèque. Michel Deguy l’appelle sa puissance « figurale » : une capacité à donner forme à ce qui est étranger au langage (la réalité, le réel) ou lui reste extérieur. Ce dont témoignent les expériences conduites dans Donnant donnant et Gisants, les deux volumes rassemblant l’essentiel de sa poésie.
La question peut se formuler ainsi : comment dire un bruit de tôle, l’écrasement de l’humanité sous l’économie, la résistance contre la globalisation des façons d’être et d’exister ? Si le poème doit alors reconnaître les formes de l’abjection du monde, il faut aussi qu’il sache arrêter les représentations communes, et pour cela encore lui faut-il savoir y discerner, façonner sa tourne critique, sa distance, et faire entrer son savoir empirique dans l’idiome lui-même. Écrire sera ainsi une « tentative de faire advenir en disant » (Brevets, 1986), au sens de se « plier dans », de « s’engager dans », afin qu’en sorte une pensée de la relation, une pensée passionnée par les figures qu’elle lève. Une passion du sens à venir, jusque dans le secret qu’il enveloppe, garantissant à ce qui se cache et ne se montre pas, mais signifie, selon l’oracle, la pudeur qui fait force de présence au monde.

Réouverture
après travaux

Michel Deguy
Éditions Galilée
270 pages, 34
Michel Deguy,
l’allégresse
pensive

Sous la direction
de Martin Rueff
Éditions Belin
580 pages, 35
Grand Cahier
Michel Deguy

Sous la direction
de Jean-Pierre
Moussaron
Le Bleu du ciel
330 pages, 30

Travailler figure Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°90 , février 2008.
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