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Histoire littéraire Le retour du Péril jaune

mars 2008 | Le Matricule des Anges n°91 | par Lucie Clair

Le docteur diabolique né de l’imagination de Sax Rohmer au tournant de la gloire des Empires coloniaux revient dans une nouvelle réédition.

Le Mystérieux Docteur Fu Manchu

Si les couvertures de la série des Fu Manchu lors de son lancement en 1913, et dans les années qui suivirent, alliaient, emblématiques et inquiétantes, mystères de l’Orient (prière d’y voir de la fumée - d’opium de préférence), dragons encolérés, et visage grimaçant de Mandarin vicieux, très vite, elles se parodient elles-mêmes, et déploient au fil des décennies des trésors d’iconographies tour à tour ironiques et racoleuses, jouant des phobies et stéréotypes avec vigueur.
Car le personnage éponyme est avant tout un génie du crime. À l’aulne des Fantômas d’Allain et Souvestre (1911), du Fantôme de l’Opéra de Gaston Leroux (1910), il s’inscrit dans la tradition des figures méphitiques irréductibles ouvertes par d’autres « Docteurs » - le Hyde de Stevenson, le Moriarty de Conan Doyle - et influencera le Dr No de Fleming. En ces temps où la science prend son essor, la puissance se doit de résider dans un titre révélant la maîtrise de ses secrets. Dans la veine du roman policier teinté d’épouvante (aujourd’hui bonne enfant…), Fu Manchu n’en est pas moins un héros, qui échappe à l’enquêteur-citoyen Sir Denis Nayland Smith et son acolyte le Dr Petrie, autant qu’aux limiers de Scotland Yard, faisant courir un frisson au creux des reins de la morale (chrétienne) comme dans les replis de l’esprit d’appartenance à la Civilisation. Culte revers de celui manifesté par l’abominable docteur à son projet total : l’anéantissement de l’Occident. Les meurtres et autres vilenies ne sont chez Fu Manchu qu’épiphénomènes d’une stratégie au service de la pure volonté de détruire.
À la tête d’empires couvrant quasiment l’ensemble du globe, l’Occident a besoin de se rassurer. La révolte des Boxers, menée au cri de « détruisons les étrangers ! » s’est achevée à Pékin en 1901, dans un bain de sang orchestré par les 100 000 soldats des huit nations alliées engagées pour la défense des légations et de leur commerce florissant. En 1905, le Japon inflige à la Russie une défaite radicale et s’octroie le contrôle de la Corée et de la Mandchourie. Première victoire militaire d’une puissance asiatique contre des chrétiens des temps modernes, elle marque le sceau des imaginations.
Tout l’art de Sax Rohmer (1883-1959 - né Arthur Sasfield Ward à Birmingham) est d’avoir su remarquablement surfer sur la propagande de son temps, exacerbant les clichés, s’en servant, les détournant, tout en leur donnant une étrange saveur de moralité. Jeu pervers, susceptible de complaire à son public britannique d’abord, puis américain - il émigre et s’installe à New York après la Seconde Guerre mondiale - et initiateur d’un best-seller mondial. « Imaginez un individu long, maigre, félin, les épaules hautes ; donnez-lui le front de Shakespeare et le visage de Satan, un crâne soigneusement rasé et des yeux verts - verts comme ceux des chats. Mettez à sa disposition toute la cruauté d’un vaste peuple de l’Asie, concentrée en un esprit géant, toutes les ressources de la science du passé et du présent et peut-être bien toute la fortune d’un gouvernement (…). Cet être effroyable, le voyez-vous en esprit ? Eh bien je vous présente le Dr Fu Manchu, le Péril Jaune incarné en un seul individu. » En quinze volumes construits en spirale - chaque énigme dénouée en ouvre une autre - et ouvertement racistes (les noirs sont « hideux »), il offre, à son insu, et pour le lecteur d’aujourd’hui, un voyage dans le regard porté sur l’altérité impossible à com-prendre. Paré de toutes les difformités de la nature humaine, Fu Manchu, par sa maîtrise d’armes défiant la connaissance - « bactéries mortelles », flore vénéneuse et animaux fantastiques aux baisers venimeux - n’en est que plus dangereux. Dualité de l’humain ou part de l’ombre, le docteur n’est pourtant jamais très éloigné de son verso britannique.
Avec une nouvelle traduction, et une maquette jouant des codes des éditions précédentes, ce Fu Manchu de Zulma fournit l’occasion de renouer avec une littérature populaire qui se lit à plusieurs degrés. Une aventure à suivre.

Le Mystérieux Docteur
Fu Manchu

Sax Rohmer
Traduit de l’anglais par Anne-Sylvie
Homassel
Zulma
319 pages, 15

Le retour du Péril jaune Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°91 , mars 2008.
LMDA PDF n°91
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