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Poésie Coup de hache

juin 2009 | Le Matricule des Anges n°104 | par Emmanuel Laugier

Deux livres de William Carlos Williams, père de ce que l’on appellera l’objectivisme, endurent, non sans douceur, la réalité brutale et nue de l’époque.

Un jeune Martyr (suivi de) Adam et Eve et Cité

William Carlos Williams : Voyage vers l’amour

Après l’imagisme que représentait avec force Ezra Pound, l’objectivisme bouleverse de fond en comble le poème : d’une part parce que William Carlos Williams (né en 1883 dans le New Jersey) concentra d’abord, laconiquement, en une formule célèbre son éthique : « le poème est un objet ». Mais aussi parce qu’il sut lui donner toute sa matière par un travail sur la langue elle-même, sa condensation et sa vitesse. Alors que ses premiers livres en donnaient déjà quelques prémices flagrantes, dont Raisins surs (1922) ou Le Printemps et le reste (1923), il fixe quasi définitivement en 1962, pour l’éditeur de The Encyclopedia of poetry and poetics, la définition de sa logique et de ses ramifications : « mode d’écriture qui considère que, tout sens mis à part, le poème est un objet et doit être traité comme tel. L’objectivisme accorde une importance particulière à la structure du poème, à la façon dont il a été construit ». On peut certes comparer le propos à d’autres perspectives théoriques, mais il ressort dans la biographie que Jacqueline Ollier (l’une de ses traductrices) lui consacre, que Williams affine constamment sa propre position, refusant radicalement que l’objectivisme s’apparente à un groupe ou une école. L’essentiel revient à ce que le poème soit le filtre d’une matière langagière équivalente à la matière muette et extérieure des choses, des événements, et, de facto, de ce que l’époque va écraser sur lui. Toute la démarche de Williams tient dans le relais qu’il façonne entre le langage et la réalité brute du bruit du temps, pour reprendre le titre des proses autobiographiques d’Ossip Mandelstam. On ne peut le lire, sinon à trahir son œuvre entière, sans lier sa propre vie (il sera médecin des pauvres et des banlieues de l’État de New York) et les contextes sociaux de l’Amérique d’alors à la façon dont il va amaigrir son poème de tout l’héritage anglo-saxon (dont celui de T. S Eliot, y compris de son immense livre The Waste land [1922] que Williams considérera comme un véritable coup de couteau dans le dos).
Percevoir à travers les affections
du corps les tensions mentales.


Un jeune martyr et Adam & Eve et La Cité, qui paraissent aujourd’hui, malgré leurs titres presque inappropriés tant ils ne doivent rien aux références religieuses qu’ils appellent, doivent être considérés comme les deux balises les plus abouties, juste avant son grand œuvre Paterson, de l’objectivisme : « Vision d’un lac », par exemple, arase quelques simples faits, entremêlant la vie de gens simples à l’environnement des banlieues ouvrières, posant le regard sur le presque rien de l’existence : « Á gauche un garçon/ en salopette bleue / tombante/ Près de lui une fille// dans une robe craseuse/ Et un autre garçon/ Ils regardent// fixement quelque chose/ en dessous - ?/ Un panneau de tronçon : 50// sur un poteau métallique/ planté/ près d’une cabane de service// exiguë en béton/ (que heurte/ une gerbe de barbelés) ». La « piste cendrée » dont il sera question plus bas dans le poème, ces trois enfants n’en regardent pas le trafic, tournés qu’ils sont vers l’étendue de l’eau. Ce sera tout, à nous de faire de cette mémoire le trajet de la situation psychique de ce regard perdu et comme vacant, par-delà tout psychologisme. Williams, par son métier, savait percevoir à travers les affections du corps, les tensions mentales de l’individu, et les comparer à ce qui, dehors, nous regarde autant que nous le regardons. Ce liage composa la soudure géniale de son écriture et son universalisme.

Un jeune martyr (suivi de) Adam & Eve et La Cité de William Carlos Williams, traduit et présenté par Thierry Gillyboeuf, La Nerthe éditeur, 112 pages, 20 et William Carlos Williams, voyage ver l’amour de Jacqueline Ollier, Éditions Aden, 238 pages, 25

Coup de hache Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°104 , juin 2009.
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