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Poésie L’inattendue réconciliation

juillet 2009 | Le Matricule des Anges n°105 | par Marta Krol

Entre le désir du corps et le mal de l’âme, Tomás Segovia arpente les territoires de l’incertitude.

Cahier du nomade : Choix de poèmes 1946-1997

Ce premier volume en français de Tomás Segovia, né à Valence en 1927, réfugié au Mexique en 1940, figure importante de la littérature hispanophone, reprend un ensemble de poèmes paru dans la revue Poésia. Contrairement à ce que la vie mouvementée de l’auteur - de départs en cassures - et le titre même du volume pourraient faire penser, l’œuvre n’est pas construite autour du thème de l’exil, et ce point est pour le poète fondamental : « j’ai seulement eu à vivre cette situation, mais ne me suis pas construit par ça ». En effet, ses textes disent essentiellement une affirmation de l’être au monde. Une affirmation, précisément, sans qu’elle verse dans l’euphorie ou dans l’angélisme ; un mouvement d’adhésion à la fois inconditionnelle et réservée : « Infiniment je suis dans le monde / parce que ma pauvreté est infinie ». C’est une voix d’homme mûr, éprouvé et lucide qui se fait entendre là, de celui qui travaille davantage à se mettre en diapason du réel, tout blessant et hostile qu’il puisse paraître, qu’à tenter d’accorder ce dernier à sa propre vision du bonheur. Le Nomade est celui qui « comprend que le monde qui a si longuement / contaminé son sang n’a pas été si vénéneux » ; qui plus est, il reconnaît y éprouver une jouissance du désir de vivre : « Et n’a pas avec tant de terreur que cela / Recherché sa fièvre dont il savoure encore une lente douceur ».
Tomás Segovia recourt tantôt à des formes courtes, à la prosodie irrégulière, tantôt à de longs poèmes coulants à la rythmique arbitraire, qui sont comme la respiration d’un homme égaré. Et aussi à des textes en prose, ciselés, brefs et graves, à la beauté de ces objets qui, en cherchant une vérité philosophique, constituent en eux leur propre réponse, formelle : « Il faut que se fasse évidente la vastité émouvante et floue de ces minces résonances, dont les fils de cristal voilé laissent seuls, mais dans leur fond poignamment habité, les grands vides de ce monde » (…).
Les protagonistes de cette poésie, à l’exception notable de la femme, sont aériens et évanescents : le vent, la nuit, le souffle, l’eau, la braise… Car le leitmotiv de Tomás Segovia, lecteur de Hölderlin, s’exprime en des termes d’ignorance, d’incertitude, de trouble et d’équivoque ; il semble vain et illusoire de décréter quoi que ce soir au sujet du monde, c’est pourquoi une affirmation précède sa propre négation, le « peut-être » est de mise, et la modulation de chaque qualificatif supprime tout effet de description : « Et il (le vent) a parcouru mon front / voulant et ne voulant pas, / me pleurant et pleurant / à la fois sans motifs, / ou peut-être sans pleurer. » Cette indétermination n’est cependant pas négative ; elle permet au contraire une attitude d’ouverture et de disponibilité entières : « je vais vers je ne sais quelle rencontre / avec je ne sais quelle fraîcheur / qui fut mienne ou étrangère en d’autres heures ».
La veine érotique est une autre ressource, et non moindre, de cette œuvre, en marquant généralement un ton bien distinct, celui de clarté, d’assertion et d’énergie vitale. Et ce autant dans les poèmes à caractère laudatif, en forme de gigantesques blasons surréalistes à la Breton : « ton ventre tas de sable d’or palpitant / tas de blé noir moissonné sous la lune / tas d’humus ténébreux et incitant / ton ventre ténébreux et incitant / ton ventre irrigué par les rivières souterraines » - que dans ceux qui disent l’amour déçu : « Et depuis quand / Depuis quand je suis resté / à manger le vide empoisonné / Dans le pain que je croyais être une bouchée de vie ». Là encore, la souffrance préserve son capital de vigueur et l’adversité se montre un lieu de vie « parce que bien que blessé le temps palpite encore ».

Cahier du nomade Choix de poèmes 1946-1997 de TomÁs Segovia
Présenté et traduit de l’espagnol par Jean-Luc Lacarrière, Poésie/Gallimard, 328 p., 8,60

L’inattendue réconciliation Par Marta Krol
Le Matricule des Anges n°105 , juillet 2009.