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Domaine français Jardins noirs

octobre 2009 | Le Matricule des Anges n°107 | par Richard Blin

Avec ces deux textes quasi testamentaires, c’est toute la poésie de la déviance et de la perversité (candide ?) du destin, que Pierre Bourgeade nous offre à méditer.

Eloge des fétichistes

Né en 1927 et disparu en mars dernier, Pierre Bourgeade ne publia son premier livre qu’à 39 ans, après sept ans de manuscrits refusés. Les Immortelles venait de tomber entre les mains de Georges Lambrichs, alors directeur de la collection « Le Chemin », chez Gallimard, qui décida aussitôt de le prendre. Deux ans avant mai 68, il fut le seul à déceler, derrière ces textes audacieux et insolites décrivant des fantasmes sexuels féminins, les tremblantes splendeurs d’un imaginaire se mirant aux grands miroirs de la chair. Car Pierre Bourgeade aura su parler des femmes comme peu, en s’attachant à ce qui, chez elles, alimente les hommes en rêves. En témoignent ses romans subversifs, ses nouvelles érotiques, son théâtre. Dans les deux livres que publient aujourd’hui les éditions Tristram, qu’il avait rejoint en 1998, on retrouve son goût - sinon pour les souterrains de l’être - du moins pour la dynamique du désir et l’énergie spécifique au mal ou au sexe.
Dans Éloge des fétichistes, c’est face au ténébreux théâtre du corps qu’il nous installe. De cet art d’aimer la partie pour le tout, il passe d’abord en revue, citations de Klossowski, Bataille, Baudelaire, Sade, Ceronetti… à l’appui, les différentes formes. Fétichisme simple - comme celui des pieds, des dessous féminins déjà portés, de la seconde peau (cuir, latex, vinyle)… - ou double, lorsqu’il réunit, par exemple, la fessée et les chaussures, et même triple lorsqu’il associe parfum, chevelure et fourrure. Mais très vite, suivant la pente de ses souvenirs ou de ses rêveries, il se confie, raconte ou imagine d’étranges rencontres, évoque le rituel des contrats sexuels, recueille des témoignages de soumises, d’esclaves, de femmes pensant ne pouvoir jamais être désirées ou aimées « pour ce qu’elles sont à la fois en apparence et en dedans » et s’abandonnant donc « par morceaux », « en donnant à chacun cette sensation d’infini qu’il recherche, par la seule possession d’un fragment ». Aveux qui lui inspirent parfois quelques vers où cristallise la terrible sauvagerie du désir. « Dans la nuit / mon corps crie / la cravache ! / le fouet ! // dans la nuit / ma chair crie / je veux / être montrée ! // dans la nuit / mon sang crie / je veux saigner ! / saigner // dans la nuit / la nuit crie / encore ! / encore ! // dans la nuit / les yeux ouverts / la fente ouverte / j’attends // quelque chose / mais si / je savais / quoi ? »
La sensualité des passions affamées.
Avec Le Diable, c’est la force dilapidante du démoniaque, comme disait Bataille, qu’il illustre à travers les destins croisés des trois principaux personnages. Attilio Baldini d’abord, un psychiatre qui, persuadé que le mal ne réside pas dans l’homme mais dans la société, s’est mis en tête de soigner la société en adhérant aux thèses des Brigades Rouges, et en devenant le chef artificier de ce mouvement de lutte armée qui ensanglanta l’Italie dans les années 70 et 80. Ercole Ratti ensuite, un jeune vicaire à la naïveté féroce, et Giovanna, une femme légère qui après avoir fait un riche mariage, se retrouve veuve, son banquier de mari ayant été sauvagement assassiné. Trois êtres qui ont en commun le refus de s’accommoder, et qui, chacun à leur façon, rêvent de réorienter le monde dans le sens de leurs désirs. On imagine qu’entre ces trois que rien n’aurait dû rapprocher, les jeux de ricochets vont se multiplier. Sur fond de pollution et de violences, c’est l’éternelle lutte de la tentation et de l’interdit qu’illustre une nouvelle fois Pierre Bourgeade, révélant un peu de l’envers ou du non-dit des engagements passionnels comme des certitudes trop unanimement partagées. Un beau et bon roman servi par une écriture aussi fluide qu’efficace, et un style où miroite toute la sensualité des passions affamées.

Le Diable et Éloge des fétichistes
de Pierre Bourgeade
Tristram, 192 pages, 18 chacun

Jardins noirs Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°107 , octobre 2009.
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