Depuis Le Mur entre nous (1995), c’est avec un regard suffisamment familier et distant à la fois que la Polonaise Tecia Werbowski immigrée au Canada, arpente la mémoire de sa ville de prédilection : Prague, « (s)on abri européen ». Certes, la fascination exercée sur son héroïne, Maya Ney, provient autant de l’aura émanée des pierres de la ville que de son expérience rêvée, fantasmée durant ses trente années d’exil. Mais depuis la révolution de velours de novembre 1989, la ville a bien changé, envahie par une nouvelle vague d’hommes d’affaires, américains ou russes, et des cohortes de touristes : Prague, « cette splendide et éternelle vieille dame ridée » peut alors revêtir « l’allure d’une vieille femme acariâtre ». Dans ce décor qui n’a pas dit adieu aux fantômes du passé, Maya fait des rencontres : Radek, survivant d’une utopie défigurée, resté en marge de la prospérité, Hanka hantée par la condamnation à mort de son père accusé de trahison (lors du spectaculaire procès Slánsk de 1952), Clara dont le demi-frère, un ancien juge communiste connu pour la sévérité de ses peines, croupit désormais en prison… Placée sans l’avoir vraiment cherché « au cœur des confessions sans réserve » de quasi-inconnus, Maya se fait le creuset de la nostalgie, des déconvenues, voire des ressentiments d’une société dont le douloureux legs du passé communiste se double de l’apprentissage de la démocratie. Face à la haine, au « zèle », surtout « de la part des jeunes » à condamner sans nuances les agissements de certains dans le contexte de terreur d’avant 89, Maya s’interroge sur la possibilité d’émettre un jugement équitable, surtout quand « vous n’avez pas en mains tous les détails, tous les éléments ». Dédié à Roman Polanski, Entre espoir et nostalgie dont le style concis, et même un peu à court parfois, relève davantage de l’art de la vignette, a quelque chose en effet du scénario de film, d’autant plus qu’il n’est en réalité qu’un prétexte pour revenir sur ce qui est devenu « l’affaire Milan Kundera », après que le grand écrivain
entre espoir et nostalgie
de tecia werbowski
Traduit de l’anglais (Canada) par Nicole et Emile Martel
Les Allusifs, 112 pages, 14 €
Domaine étranger Entre espoir et nostalgie
novembre 2009 | Le Matricule des Anges n°108
| par
Sophie Deltin
Un livre
Entre espoir et nostalgie
Par
Sophie Deltin
Le Matricule des Anges n°108
, novembre 2009.