Peut-on s’acclimater au désespoir ? « Ça ne prévient pas, ça arrive, ça vient de loin… » prévient la chanson. Certains y résistent, entre la détresse et le cynisme. D’autres en meurent. Stig Dagerman fut de ceux-ci : après quelques chefs-d’œuvre (relire, par exemple, en pensant aux lointaines villes bombardées aujourd’hui encore, son Automne allemand, bouleversante traversée de l’Allemagne en ruine de 1946), il se suicida à 31 ans, au gaz d’échappement, dans son garage, en 1954. L’écrivain suédois nous laissa, comme une sorte de lettre ouverte aux compagnons de solitude et de déréliction que nous sommes tous, un dernier texte, noir et implacable : Notre besoin de consolation est impossible à rassasier. Par-delà les années Claude Montserrat-Cals lui répond, renouant avec un genre littéraire antique, mais peu à peu passé de mode, que pratiquèrent Sénèque, Boèce ou encore Malherbe : la consolation. Il s’agissait alors, face à un deuil ou aux aléas de l’existence, de rassembler raisonnements philosophiques et maximes salvatrices - pour redonner goût à la vie… Prenant - et surmontant - un grand nombre de risques, notre contemporaine nous offre à son tour une sorte de monologue lyrique où les métaphores, les alexandrins blancs, les citations entremêlées composent une méditation vibrante - qui veut contrer le désespoir. « Les îles de nos âmes ont chacune leurs eaux » - mais nos solitudes ne sont peut-être pas, à tout jamais, des forteresses imprenables : autrui peut encore parfois nous faire don du « colloque aimant de notre humanité ». Nous pouvons réinventer, redonner sens et noblesse à la « bonté » qui seule permettra « les rares déliements de nos dépendances ». Et si, décidément, nous ne croyons plus à tout cela, nous pouvons encore, au moins, comme Job le révolté, « préférer la colère au suicide ! »
CONSOLATION
À DAGERMAN
DE CLAUDE MONTSERRAT-CALS
Encre marine, 87 pages, 17 €
Essais Consolation
novembre 2009 | Le Matricule des Anges n°108
| par
Thierry Cecille
Un livre
Consolation
Par
Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°108
, novembre 2009.