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Poésie L’amant américain

février 2010 | Le Matricule des Anges n°110 | par Emmanuel Laugier

Le cinquième livre de Stéphane Bouquet poursuit, dans le décalage sensible d’un séjour à New York, le possible partage du mot « frère », et son voyage au pays d’Éros.

Nos amériques s’ouvre et se ferme par une section titrée identiquement : au « Dans le pays où je viens de m’arriver » suivra le « Dans le pays où je reviens continuer », à la différence près que les journées comptées (46 en tout) et enfilées comme des sortes de perles au début du livre, ne le sont plus à la fin. S’étendant au contraire dans la durée lente d’un jour sans fin, cette dernière partie concentre en elle la folle possibilité d’écrire la joie simple d’être là, ici, maintenant, et d’y puiser une vie nouvelle : « adolescents qui se lancent à l’eau / au visage arbres comme une verte fraîcheur // de survie, quelqu’un pieds nus écrit / sur son ordi, de loin on dirait un roman // promis peut-être au succès fou / une simple histoire / des jours naissants au tout début du siècle-ci / dans notre vie encore ». Tout le livre de Stéphane Bouquet suit la montée progressive d’une sensation commune, vivifiante, celle d’un « quasi-bonheur mondialisé » écrit-il, où les pronoms personnels se tutoient, y compris dans la distance d’un regard contemplant l’autre, puis l’écrivant dans le poème comme sa propre utopie. Entre les « je », les « tu » et les « nous » évoqués, chacun cherche à frayer une voie, sa voix, hors de l’éclairage écrasant de l’époque. La question vers laquelle se tourne Nos amériques est bien alors celle d’un temps à inventer pour soi, un temps où les rapports de vérité à soi-même, comme disait Foucault, forment un « partage du sensible » (Jacques Rancière). Les regards portés, ouverts, affirmés, toujours cillés, trament de fond en comble la poétique de cette écriture, presque cinématographique, jusqu’à faire tourner en eux la figure d’Éros (véritable force d’aimantation), et sexualiser la moindre part, par exemple, de paysage.
Un temps à inventer pour soi.
Le re-commencement, qui est force de rapports nouveaux, en est le moteur : c’est un printemps où les êtres ne se baignent jamais dans le même fleuve. Comme il est dit dans des pages rassemblées en un « Cahier de méditation », où Éros est, petit à petit, comparé à de l’eau, répandue, éjaculée, boire de « l’eau du fleuve Amelès / si l’on boit de l’eau du fleuve Eros (…) on tombe dans le cycle des générations et l’incarnation des corps ». Stéphane Bouquet traduit ici « incarnation » par appétit, ou éloge d’un désir demeuré désir : « un tout petit godet d’eau visqueuse, blanchâtre, laiteuse, même le fond oublié d’un godet dans un geste inconscient d’alcoolique mondain, c’est déjà trop tard, le destin oublieux triomphe, se répand. On va vouloir recommencer à boire sans arrêt ni répit ». Cet élan quasi panthéiste, où tout signe perçu se montre comme la traversée d’une existence relevée de sa fatigue, se donne dans des fragments de sensations vives, éclatées, parfois décrochées de leur origine, dans tous les cas diffractées, presque rêveuses. Ainsi, « le 20ième jour l’anglais se dépose / comme hier une sorte de suie laquée or // vers la fin du soleil se déverse dans les rues / les gens s’arrêtent et sourient, on est cernés / par la douceur, mettons d’une / caresse supplémentaire de dieu // est venue vraiment confirmer du doigt les ventres / tremblants d’ici ou sinon peut-être // on patauge simplement re-enfants dans l’urine de lumière ».
Entre enfance et jeunes gens se baignant, souvenir peut-être des corps nus que Hopkins voyait se jeter dans la Tamise, paysages vus du train comme de la douceur froissée, reste, concentré, ténu, le sentiment énergique de boire au printemps de la vie, au débordement de ce qui s’ouvre et se continue, se recommence et se réinvente, comme si « allongé dans les poèmes / comme des jours entiers j’attendais / allongé dans la main / fanée des fougères, et le bruit froissé des feuilles / vu le pas qui arrivait ».

Nos amériques de Stéphane Bouquet
Champ Vallon, 96 pages, 12

L’amant américain Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°110 , février 2010.
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