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Domaine étranger Orgie littéraire

juin 2011 | Le Matricule des Anges n°124 | par Jérôme Goude

Savant et doucement subversif, Mémoires d’un libraire pornographe conte les aventures lucratives et charnelles d’un spécialiste des ouvrages dits de second rayon.

Mémoires d’un libraire pornographe

Qui n’a pas, à l’aube des tâtonnements érotiques confidentiels, bravé la censure familiale en feuilletant d’une main fébrile et coupable quelques ouvrages licencieux ? Quel apprenti-jouisseur aurait l’outrecuidance d’affirmer, d’un air couillon, qu’il n’a jamais emprunté dans le recoin inhibant de quelque rayonnage Les Onze mille verges de Guillaume Apollinaire ou Justine ou les Malheurs de la vertu du marquis de Sade ? Gageons que nos lecteurs ont franchi le cap de cet apprentissage, d’une façon éhontée, et qu’ils sauront, tels les collectionneurs égrillards d’Armand Coppens, égayer leur bibliothèque, leur boudoir ou leur garçonnière, avec ses irrésistibles Mémoires d’un libraire pornographe.
Publié pour la première fois en Angleterre en 1969, puis en France en 1970, Mémoires d’un libraire pornographe offre tous les attraits d’un authentique « curiosa » érotique ou, selon les termes du préfacier Emmanuel Pierrat, d’une savoureuse bizarrerie littéraire. Armand Coppens, non satisfait d’être l’auteur hétéronyme de ses Mémoires, en est le principal protagoniste ou, mieux encore, l’incorrigible garant. Ex-étudiant en mathématiques et, incidemment, « flagellant passif », c’est au cours d’un deuxième séjour à Paris qu’il renonce définitivement aux enseignements des religieuses rattachées à l’ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel et au chemin tracé par sainte Thérèse d’Avila. À l’enseigne de la Librairie-Éditions, notre profane belge rencontre un certain Leclercq, l’un des « membres de cette minorité coupable » que sont les acheteurs et marchands de livres érotiques, et « dont la vie est l’illustration concrète des ouvrages qu’ils vendent ». Appâté par une très belle édition du Manuel d’érotologie du philologue allemand Friedrich Karl Forberg, « magnifiquement illustrée de scènes obscènes à la manière de Giulio Romano », Coppens s’apprête à l’acheter, quand une petite Vietnamienne arrive. Leclercq interrompt momentanément la vente. Secondé par un assistant reconverti en photographe occasionnel, il invite alors sa jeune modèle à grimper sur une table avant de la « labourer avec ardeur », en variant positions et accessoires, devant un Coppens fasciné…
De Bruxelles à Londres, en passant par Cannes, Monte-Carlo ou, entre autres, Amsterdam, Armand Coppens court les ventes aux enchères, sonde les bibliothèques d’improbables particuliers, à l’affût d’une édition rare, originale. Mémoires d’un libraire pornographe enchaîne, sur un ton libre, jubilatoire et frondeur, anecdotes graveleuses et portraits de tous poils. Car, chaque fois, ou quasiment, les rencontres professionnelles de notre libraire débouchent sur d’interminables partouzes, voire d’étranges orgasmes sadomasochistes. Ainsi, lors d’une réception chez un de ses amis éditeurs, une vieille femme lance un défi à une jeune impudente : monter sur une table, en faire le tour en dansant et en s’effeuillant, pendant que ces messieurs manifestent leur approbation. Ou bien encore, au cours d’une visite chez un sexagénaire, désireux de vendre sa bibliothèque, Coppens assiste, moyennant quelques coups de badine, à un inquiétant cérémonial : travesti en fille, rampant à quatre pattes, Monsieur Cramming est flagellé par Madame et, après un bref cunnilingus, est autorisé à introduire son « sexe dans l’anus artificiel » de son ours en peluche…
Au-delà de cette paillardise pullulante, Mémoires d’un libraire pornographe renferme quelques réflexions bien senties et sur la diffusion clandestine et sur le rôle de la prose et des images sulfu- reuses : « Il semble que l’homme dissipe le désenchantement dans lequel il est plongé après avoir atteint le plus haut point du désir sexuel en s’identifiant aux héros infatigables des romans érotiques. L’émancipation de la femme a peut-être aussi contribué à refouler l’agressivité instinctive de l’homme. À la lecture d’un ouvrage érotique, il peut cesser d’être l’homme tranquille et rangé pour redevenir ce qu’il fut et rêve d’être à nouveau : un fumier brutal et égoïste en proie à ses instincts sexuels. ». En sorte qu’il est possible de lire ce texte agréablement inconvenant comme un essai ou, l’auteur véritable qui se cache derrière le pseudonyme d’Armand Coppens étant un fieffé érudit, comme une anthologie. Libre donc à l’amateur éclairé de choisir maintenant parmi la liste des ouvrages cités, selon ses petites déviations sexuelles et ses fantasmes, entre Les Confidences d’un baronnet de Flogger, le Monument du culte secret des dames romaines de Pierre d’Hancarville, Trois Filles de leur mère de Pierre Louÿs, Mrs. Goodwhip et son esclave de Bob Slavy et, frustration oblige, etc.

Jérôme Goude

Mémoires d’un libraire pornographe
Armand Coppens
Traduit de l’anglais par Françoise Maleval
Éditions du Sonneur, 403 pages, 18

Orgie littéraire Par Jérôme Goude
Le Matricule des Anges n°124 , juin 2011.
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