L' Art de choisir sa maîtresse et autres conseils indispensables
Plus connu comme inventeur du paratonnerre et défenseur de la jeune démocratie américaine que comme créateur des PTT d’outre-Atlantique ou des bibliothèques publiques des mêmes terres, Benjamin Franklin est bel et bien le Leonard de Vinci américain. S’il a moins dessiné que l’Italien, il a écrit, et avec quel esprit ! Deux ans après une première réédition de ses Bagatelles (Mille et une nuits, 2009), étonnants écrits imprimés par leur auteur même alors qu’il résidait à Passy en tant que représentant de la jeune démocratie américaine, ce sont les nouvelles traductions de treize écrits aussi badins que les précédents, également profonds et drôles qui voient le jour. Largement diffusés pour certains d’entre eux au XIXe siècle via les multiples éditions de l’Almanach du Bonhomme Richard, best-seller international d’économie domestique et de moralités bien tempérées, ces amusements d’homme mûr, prompt à presser la pédale de la presse en typographe qu’il était, et à user de la fable, du conte moral ou de la lettre anonyme ou pseudonyme (comme en son jeune âge il avait imaginé le personnage de la veuve Silent Dogood pour mystifier son frère éditeur de gazette) valent toujours le détour. Et ces « conseils indispensables » qui sont aussi des fantaisies sans contrôle, des boutades, de la vulgarisation scientifique amusante et même des leçons de vie manifestent la virtuosité d’un esprit, sa liberté (certaines pages seraient mal perçues d’un auteur contemporain en la prude Amérique). Rien de diplomatique dans ses pages donc mais de la légèreté, de l’esprit et puis de la raison et… du libertinage. Lorsqu’il indique comment choisir une maîtresse à un jeune homme, c’est sur l’air du vieux pot avec lequel on fait les bonnes soupes. Aussi la comparaison avec de Vinci s’arrête peut-être là : le peintre a-t-il vraiment fait preuve de la sagesse et d’un sens de l’équité tel qu’il s’exprime chez Franklin dans sa supplique de la lettre Z, dans celle de la main gauche ou dans sa proposition d’importer des serpents à sonnettes en Angleterre, réponse toute d’ironie à la politique anglaise d’exportation de ses repris de justice vers l’Amérique ?
Éric Dussert
L’Art de choisir sa maîtresse
et autres conseils indispensables
de Benjamin Franklin
Traduit de l’américain par Marie Dupin
Finitude, 111 p., 13,5 €